P. Gonzague Chatillon (1985-1991) : « En 1985, à la demande du cardinal Lustiger, j’ai ouvert la première maison du séminaire de Paris à Saint-Denys-du-Saint-Sacrement, avec un jeune théologien, Jean-Pierre Batut, et un vieux salésien, René Gaudillière. Seule la maison Saint-Augustin, créée un an plus tôt, existait alors sous la responsabilité de Mgr Aumonier. Nous sommes arrivés dans une paroisse en grande difficulté où matériellement, il y avait tout à reprendre. Ainsi, nous avons remis au milieu du chœur l’autel qui avait été placé au pied des marches pour accueillir une assemblée dominicale très réduite. Avec les huit séminaristes rentrés plus tôt, nous avons nettoyé le presbytère pour pouvoir l’habiter. Les cours avaient lieu sur place cette première année. Sur le plan paroissial, il fallait tout réinventer ! La tâche était si lourde que j’ai fait une petite déprime. Or un soir, j’ai trouvé sous ma porte une lettre magnifique de saint François de Sale pour une personne en grand découragement. Je n’ai jamais su qui l’avait glissée là, mais j’y ai vu un signe manifeste de la grâce. Et j’ai repris courage. »
Propos recueillis par Sylvie H.
P. Daniel Ponsard (1991-1997) : « En 1991, j’ai rejoint la maison du séminaire en la paroisse Saint-Denys-du-Saint-Sacrement. J’ai succédé en tant que curé au père Gonzague Chatillon. C’était mon premier mandat de curé dans une paroisse. Après plusieurs nominations dans les 8e et 16e arrondissements, me retrouver au cœur du vieux Paris, dans un quartier marqué par le Sentier et une forte présence juive, fut une vraie nouveauté pastorale. La communauté catholique y était minoritaire, mais étonnamment soudée et chaleureuse. A noter, deux de mes vicaires de l’époque sont devenus évêques : Jérôme Beau et Olivier de Cagny.
Ce fut aussi ma première expérience avec des séminaristes. Heureusement, mon passé d’aumônier et de directeur au collège Saint-Jean-de-Passy m’avait préparé à ce rôle. Vivre avec cette petite communauté de jeunes en quête de sens m’a empêché de vieillir trop vite, stimulé par leur soif d’apprendre et leurs personnalités variées. Certains ont poursuivi leur chemin, d’autres ont bifurqué, mais tous ont enrichi par leur apport cette étape vécue en commun.
Pour la petite histoire, un chat est devenu membre de la communauté ! Un jour, un chaton abandonné dans l’église s’est installé devant l’autel juste avant la messe. Il est resté et les séminaristes l’ont adopté. En clin d’œil à leurs études de philosophie, ils l’ont nommé Plotin. A mon amusement, sa présence a révélé les caractères des séminaristes : certains se montraient affectueux, d'autres distants ou même méfiants. Avec les séminaristes, on rencontre des personnalités très différentes.
J’ai été très heureux pendant cas six années. J’ai eu aussi la joie de côtoyer des laïcs très engagés et fortement attachés à la paroisse. Je garde un lien amical avec certains jusqu’à ce jour. »
Propos recueillis par Katarina K.
P. Michel Callies (1997-2003) : « J’ai éprouvé une véritable joie à assumer, pendant douze années, la responsabilité de la formation des séminaristes. D’abord à Saint-Denys-du-Saint-Sacrement pour le premier cycle, puis à Saint-Roch pour le second. On s’attache naturellement à ces jeunes hommes en cheminement, ce qui peut parfois être frustrant : des décisions doivent être prises en fonction de chacun, mais une fois leur parcours terminé, le lien se rompt et il est difficile de savoir comment les choses ont évolué pour eux. Il n’est alors plus possible de réajuster son jugement.
Les maisons de séminaire constituent une formule particulièrement adaptée. Elles permettent aux séminaristes de garder les pieds sur terre, tout en offrant aux formateurs la possibilité de les connaître en profondeur, grâce à la vie partagée au quotidien. C’est une étape précieuse et nécessaire dans leur cheminement. Les relations entre séminaristes sont généralement simples et naturelles. La cohabitation les aide à grandir, à mieux se connaître, à découvrir leurs forces et leurs fragilités. Certains viennent de familles très solides, d’autres n’ont pas connu de véritable vie familiale, certains sont fils uniques… On rencontre tous les profils. Les paroissiens, quant à eux, sont heureux de contribuer, à leur manière, à la maturation des séminaristes. Certains ont profondément marqué ces jeunes, souvent sans même en avoir conscience.
Je voudrais ajouter une anecdote de cette période : les séminaristes s’étaient rendus au Salon de l’Agriculture, sur le point de fermer, et ont eu l’audace de ramener une magnifique poule. Ils se demandaient si j’accepterais leur initiative. Finalement, nous avons construit un petit poulailler dans le jardin, que la poule a trouvé très confortable puisqu’elle s’est mise à pondre un œuf chaque jour. Cet événement a créé une belle dynamique : les enfants du catéchisme venaient rendre visite à la poule, tout comme certaines dames de la paroisse. Une forme d’amitié s’est tissée autour de cette présence inattendue. Mais l’été suivant, la poule ne pondait plus et commençait à vieillir, malgré ses belles plumes. Il a alors fallu organiser sa "disparition" avec délicatesse, pour ne pas heurter les paroissiens attachés à elle. La chose fut faite… discrètement... »
Propos recueillis par Katarina K.
P. Paul Quinson (2003-2012) : « J’étais formateur depuis 4 ans et la perspective d’être curé me réjouissait, quand Mgr d’Ornellas m’a proposé d’être curé à Saint-Denys. Je me souviens d’un soir dans mon bureau, je me disais : « T’es curé, t’as une paroisse sympa, mais qu’est-ce que tu veux faire ? » J’étais capitaine d’un bateau sans trop savoir où j’allais... C’est la question de la Mission qui m’a aidé à incarner cette interrogation sur une vision pastorale. J’ai pris conscience qu’il faut avoir une représentation désirable de l’avenir pour embarquer les paroissiens dans l’aventure. J’étais très heureux avec les deux casquettes de curé et de responsable de Maison. Pour les séminaristes, il est important que le responsable soit le curé. Quelquefois, à table, j’arrivais avec « un cas pastoral » à résoudre. Je les taquinais là-dessus. Une éducation pastorale par petites touches... Il y a un enrichissement mutuel des deux fonctions. Je respirais aussi avec la paroisse. J’étais censé être « curé à mi-temps » : je n’ai pas compris... En 6 ans, j’ai eu 10 vicaires ! C’est beaucoup. Puis sont arrivés Patrick Sempère et Florent Urfels : c’était la résurrection ! Pourtant, il n’y avait pas d’évidence que nous allions si bien nous entendre. Notre réflexion intellectuelle commune était très stimulante, très fraternelle, très collégiale, même si c’était moi qui arbitrais si nécessaire. Une très belle expérience de fraternité sacerdotale. Enfin, il y a eu notre pèlerinage paroissial en Israël : l’apothéose ! Une ambiance de groupe exceptionnelle... »
Propos recueillis par Dominique Th.
P. Roger Tardy (2012– 2021) : « En arrivant en 2012, j'étais déjà formateur depuis 8 ans, mais je n'avais pas encore été curé. Débarquer dans le Marais en plein débat sur le mariage pour tous m'a tout de suite plongé dans la complexité pastorale de la charge de curé. L'expression à la mode était « Le changement c'est maintenant », mais je me voyais plutôt en continuité avec mon prédécesseur ! Pas facile d'être formateur et curé en même temps, mais équilibrant par certains aspects. Il faut se lever tôt pour les séminaristes et se coucher tard pour les paroissiens... J'ai voulu me positionner en frère, mais les paroissiens comme les séminaristes m'ont permis à certains moments une relation de confiance qui a quelque chose à voir avec la paternité. Le nom de père n'est pas un statut a priori, ni une position à gagner, c'est une pure surabondance. Et ça, c'est ma plus grande joie. J'en goûte encore les fruits à travers les liens noués avec les uns et les autres. Il y a eu aussi les peines et difficultés. Vous connaissez mon sens inné de l'organisation ! Le bon père Maxime mettait ma distraction sur le compte de mon côté « poète ». Un poète qui n'écrit pas de vers et ploie sous le fardeau administratif. Heureusement j'étais entouré par une équipe de pros ! Ces 9 ans ont aussi été marqués par les attentats, intervenus en pleines JAM ! Puis il y a eu le confinement lié au Covid. Ces épreuves nous ont aussi soudés. Je garde des souvenirs poignants de ces heures d'improvisation, de tension extrême et de consolation mutuelle. Une paroisse au grand cœur, la tête bien sur les épaules. »
Propos recueillis par Marie-Christine D.
P. François Lainé (depuis septembre 2021) : « En tant que responsable de la Maison, j’essaie d’aider les séminaristes à déployer leur humanité et à approfondir leur foi. Cela passe par une vie de communauté dans un climat fraternel. Quand j’étais à leur place, j’ai connu des maisons où régnait une certaine tension. Mais dans celle du père Michel Callies, l’ambiance était très bonne car il avait à cœur de dédramatiser toutes les situations. Il a été pour moi un modèle de formateur ! Ce qui est important, c’est de permettre une vraie liberté de parole. Seule l’éducation à la liberté permet le discernement qui s’avère plus difficile si on est sous pression. C’est pourquoi, j’encourage les jeunes à dire les choses naturellement, voire à être fraternellement impertinents. Je me sens comme un père de famille, mais aussi un frère, non pas situé en surplomb, mais les encourageant à prendre leur part dans la vie de la maison. C’est important de ne pas les infantiliser mais de les traiter comme les adultes qu'ils sont. »
Propos recueillis par Sylvie H.