Le Petit Cephalophore

vendredi, décembre 23, 2005

Mission chocolat...

Nous étions douze en ce samedi matin froid et ensoleillé, envoyés deux par deux sans bâton ni besace, mais dûment munis de notre plan de « secteur » et les bras chargés de petits ballotins, pour une « mission chocolat». (Car l’évangélisation passe aussi par le cacao, les voies du Seigneur étant toujours inattendues). Après une messe matinale pour les plus courageux, et un bon café chaud pour les moins réveillés, nous sommes donc partis porter les bons vœux de Noël aux commerçants de la paroisse, de la part du curé de Saint-Denys du Saint-Sacrement, la bonne nouvelle étant la gratuité de quelques chocolats offerts en signe d’amitié et de bon voisinage. Ce don gratuit (notion centrale de notre démarche, avait dit Monsieur le Curé) avait beaucoup étonné et touché les commerçants que nous avions visités la première année. Mais c’était il y a trois ans : aujourd’hui, notre modeste cadeau de Noël ne surprend plus, certains l’attendraient presque, mais la joie voire l’émotion sont toujours palpables. La gratuité a cédé la place à la fidélité, et le don est reçu en toute confiance. On nous remet aussi parfois un petit présent « pour Monsieur le Curé » : des bonbons, des cartes postales, le catalogue d’une galerie d’art quand nous ne sommes pas nous-mêmes réconfortés par un air de musique du luthier ou un délicieux jus de fruits frais. Une jeune vendeuse était si heureuse qu ‘elle a même tenu à nous embrasser… Certes, ce n’est pas toujours la liesse (« Longue vie à Benoît XVI !» s’est exclamé chaleureusement un de nos frères musulmans) et le plus souvent nous sommes simplement gratifiés d’un large sourire amical avant de passer à la boutique suivante. Certes, nous n’avons pas annoncé le Mystère de l’Incarnation et quelquefois même avons-nous préféré, par délicatesse, un « Joyeuses fêtes ! » un peu neutre à un « Joyeux Noël ! » trop claironnant. C’est sans doute un témoignage facile et modeste de notre foi, mais il a été donné et reçu en toute fraternité. Une belle mission.
Dominique T.

jeudi, décembre 22, 2005

JAM 2005, visite guidée

Soleil glacial : quelques notes de musique baroque s’échappent du parvis de Saint-Denys, invitant le badaud à entrer… Peut-être certains espèrent-ils même pouvoir se réchauffer dans l’église. Las ! La chaudière est en panne mais l’ambiance, pour compenser, plus chaleureuse encore. Pas facile de résister à la tentation, dès que l’on atteint le sommet des marches : à gauche, la crêpière (dont l’art, après quelques balbutiements, n’a désormais rien à envier au plus pur style des bigoudens) propose ses spécialités avec le sourire, entourée d’un essaim de jeunes gens amusés par le jeu de la pâte sur la plaque brûlante ; à droite, semblant tout droit sorti des steppes de Mongolie, le Gengis Khan de l’huître, coiffé de sa chapka et armé de son couteau court, attaque avec joie les coquillages qu’il sert, avec un petit verre de vin blanc, aux visiteurs heureux. Pourquoi résister à la gourmandise, quand elle est charitable ? C’est donc l’estomac réjoui que l’on entre dans l’église, partagée comme toujours lors des Journées d’Amitié, entre un espace réservé à la contemplation et un espace livré à l’action des généreux marchands qui oeuvrent pour le Temple. La chapelle Sainte-Geneviève semble préparée pour les acrobates et les jongleurs. Des fils suspendus retiennent en l’air de petites robes légères, tandis que les habits s’envolent des cartons et des étals en un ballet incessant (au grand dam de Françoise impuissante à remettre de l’ordre dans ce joyeux fouillis). Devant l’autel, des dizaines de souliers et autres pantoufles de vair attendent le pied qui les emportera. La Reine de la laine attend tout près, au milieu de petits vêtements aux boutons rigolos qu’elle a tricotés toute l’année sans relâche. On s’extasie, on félicite, on encourage la fée de l’aiguille, et ceux qui ont grandi réclament des modèles pour adultes dès l’an prochain. Faudra-t-il aussi travailler de nuit ? En face, sur fond de tenture rouge sombre, c’est déjà l’Orient et ses étoffes chatoyantes, comme un fil d’or nous reliant à nos frères du Liban. Etoles soyeuses, vestes brodées, chemises légères, sacs et petites bourses brillent aussi dans les yeux du passant.

Tout pour la maison ! Couettes, nappes, torchons et serviettes, tabliers, sets de tables, napperons, mouchoirs, gants de cuisine et manipules, rideaux, draps de lit et draps de bain en lin, soie, coton, éponge, dentelle, métis, de toutes tailles, de toutes couleurs, à fleurs, à carreaux, à rayures, disposés avec soin par ces dames sur des nappes blanches: il est impossible pour la ménagère consciencieuse de ne pas trouver ici son bonheur, voire de se laisser tenter par le linge basque aux teintes lumineuses comme le soleil de Saint-Jean-de-Luz. Tout à côté notre couturière présente sa collection de robes à smoke, pour petites filles un peu coquettes. Parfum d’enfance, les souvenirs reviennent et les jeunes clientes fidèles qui réclament chaque année leur robe préférée, juste la taille au-dessus…

Dans sa cage de verre, entre le téléphone et le radiateur électrique, l’homme à l’écharpe veille, prêt à accueillir chacun, à renseigner chacune, à secourir les bonnes volontés débordées. Rien ne lui échappe, si ce n’est parfois un soupir résigné après un coup de fil incongru. Mais laissons-le travailler. De l’autre coté de l’allée, s’étalent majestueusement les livres neufs en une profusion de tailles, de titres et de genres qui aiguisent l’appétit du lecteur, tenaillé entre le choix d’un roman sérieux ou celui d’un livre d’art, à moins qu’il ne se laisse convaincre, sur les supplications du petit dernier, par un beau conte de fées. Le plaisir de la lecture est aussi un chemin pour le salut de l’âme : comment échapper à l’emplette d’un Jean-Paul II ? Qui n’a pas son Ratzinger ? Ou ne connaît pas encore le bienheureux Charles de Foucauld ? Mesdames les libraires guident nos pas avec science en partageant notre curiosité : elles se régalent avec nous des mots et des auteurs.

A propos d’auteurs, en voici deux, courbés sous le fardeau de la dédicace. Le premier est acteur : Michael Lonsdale signe ce samedi ses Oraisons et l’on reconnaît derrière les cheveux longs grisonnants de l’écrivain inspiré le « méchant » de James Bond (il y a bien longtemps !) ou le Pèlerin russe en chemin vers Jérusalem, depuis la crypte humide de l’église Saint-Sulpice. Il a retrouvé parmi nos séminaristes un ancien complice de théâtre avec lequel il bavarde longuement, quand ses admirateurs se sont dispersés.

Le second était journaliste et n’a cessé d’écrire : Guy Baret présente ce dimanche Jésus, reviens ! à ceux qui furent jadis ses co-paroissiens. Il est manifestement heureux de revenir à Saint-Denys sur l’invitation d’une consoeur, comme nous de l’accueillir, malgré la concurrence sévère de l’apéritif servi sur le parvis à l’issue de la messe et de la chorale congolaise chargée de l’animation, dont résonnent encore les chants rythmés par les percussions.

Tout ce qui est pourvu d’un fil électrique, d’une pile ou de tout autre source d’énergie ainsi que tout ce qui s’y rapporte se trouve non loin, posé pêle-mêle sur la toile rouge aux étoiles argentées, façon super-stand-américain. Informatique, électronique, télévision, vidéo, DVD, hi-fi, téléphonie, walk-manie, tout y passe, pourvu que ça bouge, pourvu qu’il y ait du bruit, du son, de l’image, pourvu qu’on communique ! Le vendeur au pull blanc remue beaucoup lui-même au point de devoir être constamment relayé par d’autres as de la technique moderne des loisirs qui ont accepté de lui prêter main-forte. Quittons toute cette agitation pour admirer (c’est une première !) les œuvres de notre maître es cartonnage, un travail de patience, d’habileté et de précision. Bernadette a consacré tous ces derniers jours au collage, pliage et autre découpage pour offrir au chaland un beau choix de porte-photos, boites et plumiers aux tons pastel. En face, on est derechef plongé dans la culture, mais ici les livres sont d’occasion, classés par genre, de l’encyclopédie (vous saurez tout sur le cheval en six volumes) au roman policier en passant par les mémoires de nos grands hommes, les prix littéraires des dernières années (déjà presque oubliés) et les recettes culinaires. L’œil averti saura aussi dénicher un tome de La Pleïade, un vieux plaidoyer de Cicéron en latin et un traité de géographie relié cuir. Une cliente boulimique achète trois caisses de livres pour les USA : le Nouveau monde a ses bons côtés… C’est ce même parfum de voyage qui flotte au bout de l’allée, où sont délicatement exposés des objets du monde entier, parfois des plus singuliers, pour le plus grand bonheur des amoureux de l’exotisme. De la Chine à la Hongrie, du bois à la porcelaine, de la statuette au miroir, tout est invitation à l’ailleurs, donc à l’autre. Parmi les bijoux, des colliers de coquillages venus des lointaines Wallis et Futuna côtoient quelques coquilles d’huîtres dont la perle inachevée restera à jamais enchâssée dans la nacre. La chapelle enfin, qui semble nue sans son autel, est pourtant encombrée de lourds rouleaux de tissus de velours et de satin qui raviront les amateurs et ornée de gravures anciennes représentant cathédrales, boulevards et vieux murs de pierre ou encore d’idéogrammes chinois de belle taille. Il convient à présent de quitter l’église pour la suite de la visite, dans les salles paroissiales adjacentes. Mesdames, messieurs, si vous voulez bien vous donner la peine… A droite, l’incommensurable bric-à-brac de la brocante vous offre absolument tout, même le plus improbable. Chaque objet a trouvé presque mystérieusement sa place au sein de la vaste salle où s’active dans la poussière et depuis plusieurs jours une équipe aussi courageuse qu’infatigable. Ceux qui souffrent d’une rage de dents trouveront ici les instruments nécessaires à une extraction; d’autres préfèreront le carafon de cristal ou le lustre art déco ; d’autres encore le lourd crucifix de bronze ou l’épingle à chapeaux. Les sportifs repartiront avec une paire de ski, les musiciens avec une guitare, les énervés avec une machine à café. Ne manquent que les jouets, qui attendent sagement dans la pièce voisine… La caverne d’Ali Baba, à côté, ferait grise mine. Ici sont les véritables trésors exposés à l’émerveillement de tous, même de ceux qui ont passé l’âge de jouer aux bulles de savon. Pour quelques sous seulement, on peut trouver dans une petite corbeille en osier le colley et l’éléphant en plastique qui manquaient à sa collection d’animaux ; choisir un puzzle pour les longs après-midi d’hiver ; opter pour une poupée ou une peluche, un bureau ou un vélo ! Mais à nos narines parvient soudain une étrange odeur de gâteau mêlée de fromage… Entrons dans la dernière salle. Madame M., à l’instar des Italiennes qu’on connaît au cinéma, est une charmeuse et une effrontée. Elle a seule ce culot inouï de visiter les commerçants du quartier pour leur suggérer de faire un geste pour les Journées d’amitié, et ça marche, non pas à cause de ses cheveux blancs, comme elle dit, mais grâce à son sourire et son œil malicieux. Comme il est impossible de leur résister, elle repart les bras chargés de cadeaux de toutes sortes qu’elle vend pour « Troifoirien ». A ces dons de persuasion s’ajoutent des talents de brodeuse, et madame M. propose avec fierté ses torchons blancs brodés de couleurs vives, pièces uniques destinées à égayer les cuisines. Descendons une marche et nous voilà plongés au cœur du terroir. Les dames d’abord, sur notre gauche. Cette grande nappe blanche aujourd’hui déserte était hier encore un champ de victuailles où fleurissaient les reblochons comme de blanches marguerites, les quiches lorraines comme autant de boutons d’or et une multitudes de pots de confitures rouges comme des coquelicots. Une explosion de couleurs et de saveurs ! Sur notre droite, le digne fils de Noé (il porte la belle barbe blanche des patriarches) propose avec un enthousiasme communicatif un choix de vins, blancs ou rouges, après dégustation. Les curieux s’attardent, un verre à la main, le regard pensif et lointain tel qu’il convient pour l’occasion. Enfin le restaurant : asseyons-nous plutôt. A l’heure du thé, comme approche le crépuscule, l’ambiance y est douce et feutrée, mais à midi, l’agitation est digne des meilleures brasseries parisiennes. Sans parler des menus, remarquablement variés : tagine ou curry, gastronomie portugaise ou repas froid, et que dire de la multitude des desserts, savamment exposés aux yeux des gourmands ! Des heures de préparation en cuisine sont ainsi englouties en un instant, avec bonheur. Voilà, notre visite est achevée. Mais oui ! Vous pouvez rester un peu… Dominique T.


 

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