Le Petit Cephalophore

vendredi, mars 24, 2006

Exposition Jean et Sébastien Touret à Saint-Denys

Sculpteur nourri de la Bible, Jean Touret a quelque chose du prophète. Et la fonction du prophète n'est pas tant d'annoncer ce qui sera, mais de prendre la parole au nom d'un autre, de rappeler à des hommes qui l'ont oublié l'évodence d'une réalité qui échappe à leurs intelligences quotidiennes.
La présence du prophète n'est jamais confortable et sa parole est difficile à supporter; on lui reproche à juste titre d'ouvrir la porte à tous les courants d'air. Ce qui est pourtant la condition nécessaire pour que puisse passer le souffle de l'Esprit.
Devant nos regards étonnés de myopes, Jean Touret dresse ses grands bonshommmes comme autant de poteaux indicateurs. Ils sont là comme les grandes statues totems de la Comlombie britannique, maîtres des clairières et des forêts, comme les gigantesques visages de pierre de l'île de Pâques, hérissées face à la mer. Le sculpteur part d'une matière brute à qui il donne forme, voix et conscience, en un mot à qui il donne la vie. L'urgence le presse, un labeur de tout le corps, attaquant avec violence le bois pour lui arracher les formes secrètes dont il est le gardien inconscient. Geste brutal révélateur de l'univers dans toute son étendue. Ce que nous disent ces statues n'est pas toujours facile à saisir. Leur langage peut se faire violent et âpre. N'est-il pas l'écho d'un discours qui a provoqué la protestation des disciples eux-mêmes: "elle est dure cette parole: et qui peut l'écouter ?". En présence des statues de Jean Touret, le visiteur peut ressentir un choc, une inquiétude même. Comment s'y reconnaître au milieu de ce peuple de bonshommes de bois qu'aucun attribut ou décor ne permet d'identifier ? Une forêt de ces bonshommes est présentée dans les salles paroissiales de Saint-Denys du Saint-Sacrement. Jean-François Labie (ancien critique musical à France Musique, il a suivi le parcours artistique de Jean Touret depuis le début et a écrit de très beaux textes, en 1989 à l'occasion de l'exposition permanente dans l'abbaye bénédictine de Saint Michel en Thiérache).

jeudi, mars 23, 2006

Des nouvelles du père Gueguen...

Togo, le 23 mars 2006.

Chers amis,

Ma présence au foyer de charité d'Aledjo (TOGO) a encouragé certains à proposer son dispensaire comme projet de carême. J'en suis très touché et vous en remercie beaucoup. Déjà je me suis fait votre émissaire, en apportant avec moi près de 40 kgs de médicaments que quelques-uns de la paroisse avaient collectés. Je peux vous assurer que tout cela est à la fois bien utile et bien employé. Bien sûr, je ne suis pas au Togo comme médecin ou infirmier. Mais j'aime passer un peu de temps auprès des malades, en particulier des tout petits, prématurés ou mal nutris. Je participais ce matin à la prière quotidienne, assurant les plus grands de l'amitié et de la sollicitude « des gens de Paris », comme on dit ici.

Vous savez que le choix de ce petit coin de brousse remonte à mes années de coopération. J'y partais ingénieur, j'en suis revenu avec le sentiment que le Seigneur m'appelait à devenir prêtre. Deux ans ont été nécessaires encore pour que je réponde à l'appel et, depuis, j'ai gardé au coeur d'y revenir. Bien sûr, j'ai profité de ces longs étés que les généreux curés de St-Denys concédaient à leur « petit bout de vicaire» (l'expression est du P. Quinson). Mais c'était à peine plus le temps d'une retraite (l'activité principale d'un foyer de charité), et j'avais la nostalgie de ce petit coin d'Afrique. Je voulais rendre un peu, comme prêtre cette fois, ce que j'ai reçu ici. Cela ne m'empêche pas aujourd'hui d'intervenir techniquement: le foyer est obligé, de par sa situation, à une complète autonomie (eau et électricité, pour ne citer que le principal), et je dois avouer que j'y trouve un vrai plaisir, en particulier dans des conditions qui exigent une inventivité permanente. Un mot m'avait marqué alors, du prêtre qui a fondé ce foyer, le P. Léon Marcel: « Nous n'avons pas besoin d'un ingénieur, mais de quelqu'un d'ingénieux ». Un défi !

Comme prêtre, ce sont donc des retraites qui m'occupent. La prédication de quelques unes d'entre elles viendra un peu plus tard, mais je reçois déjà pour un accompagnement ou une confession. Je tente de profiter du P. Marcel qui m'a tant marqué, de la sagesse de son âge (88 ans !) et de sa foi de bâtisseur (ce foyer est une authentique illustration que la foi déplace les montagnes). Cette période est aussi pour moi l'occasion faire le point sur mes années sacerdotales. St-Denys m'est très présent - est-il utile de vous le dire ? - j'y ai tout de même passé l'essentiel de ces années. Mais ce n'est pas la quantité qui importe ici puisque je n'étais qu'un petit bout de vicaire ( ! ), mais l'amitié, le soutien et la grâce reçue par vous qui m'ont aidé à devenir le prêtre que je suis. Encore merci pour tout.

Bien à vous,

P. Michel Gueguen

mercredi, mars 22, 2006

Les pélerins d'Emmaus.

Un écho de la dernière rencontre du "groupe littéraire" de Saint-Denys qui a associé littérature, peinture et spiritualité autour de la lecture d'extraits du très bel ouvrage de Sylvie Germain, "Mourir un peu", aux éditions Desclée de Brouwer en contemplant une reproduction du chef d'oeuvre de Rembrandt (1609-1669), "Le repas d'Emmaus" peint à l'huile sur toile vers 1628-1629 et que nous vous invitons à découvrir ou redécouvrir au Musée Jacquemart-André, 158 bd Haussman à Paris .
Voici cet extrait:
"(...) "Reste avec nous, car le soir tombe et le jour déjà touche à son terme" (Lc 24,29) (...) Le soir tombe, la terre et le ciel vont bientôt se confondre, le visible va se dissoudre, et l'invisible respirer dans les ombres mouvantes. Le soir tombe, les bruits alentour vont s'assourdir, le silence affleurer telle une eau grise et lente où les voies ondoieront d'échos inattendus. Le soir tombe, les corps polis par la fatigue vont prendre du repos, se rafraîchir, et ressentir des sensations confuses, troublantes. Le soir tombe, propice à l'écoute et au songe; la conscience peut se mettre en veilleuse, l'attention se délier et vagabonder en toute liberté, épanouie en 'distraction', et muser parmi les ombres. Le soir tombe - 'reste avec nous', toi l'inconnu rencontré en chemin, et qui parle si étrangement. Reste avec nous, dans cet espace indéfini du couchant où tout peut arriver. Il reste, il s'assied avec eux à la table du dîner, il prend le pain, prononce la bénédiction, le partage. 'Leurs yeux s'ouvrirent et ils le reconnurent...' (Lc 24,31). Il a suffi qu'il rompe le pain pour du même coup déchirer la taie qui recouvrait leurs yeux, déchirer le voile qui obstruait leur ouïe, déchirer la gangue qui entourait leur esprit. Déchirer la brume qui leur poissait le coeur. 'Ils le reconnurent...mais il avait disparu de devant eux'. Il a brisé sa propre apparence. Il a brisé toutes les apparences. Il a brisé la peau du visible et la clarté de l'invisible afflue par cette brèche. Le soir bascule dans la nuit, dans un gouffre de nuit. au coeur du gouffre luit le feu limpide d'une aube en train de poindre. Les disciples incrédules sombrent et s'envolent dans ce gouffre, et leur conscience éclate, elle se fait flamme et leur coeur s'aile d'intelligence.

'Et ils se dirent l'un à l'autre: Notre coeur n'était-il pas tout brûlant au-dedans de nous, quand il nous parlait en chemin, quand il nous expliquait les Ecritures ?'. Le feu couvait en eux, mais ils l'ignoraient. Une voix remuait en eux, mais ils ne l'entendaient pas. Un amour souriait en eux, mais ils ne le voyaient pas. Leur raison tatillonne, armée d'exigences, de principes, de préjugés, tenait ce feu sous le boisseau, cet amour en sommeil. La raison est si sérieuse, elle n'a pas à s'acoquiner avec ce trublion de coeur. La raison est adulte, elle n'a pas de temps à perdre avec ces enfantillages que sont les pressentiments, les prémonitions et autres signaux confus. Le coeur est plein de feux follets, soit, mais il arrive parfois que d'entre ces flammeroles dispersées, inconstantes, une vraie flamme se lève, drue et vibrante tel un éclair, et qu'elle foudroie la raison orgueilleuse qui se prenait pour un chêne, qu'elle embrase la raison paresseuse qui croupissait dans son enclos. Des anges aussi se cachent parmi les farfadets. Des anges d'eau vive et de feu pur. "

dimanche, mars 05, 2006

MARS 2006 : l'éditorial du Père Quinson : "Jésus partit pour la Galilée proclamer la Bonne Nouvelle de Dieu".

Le 3 décembre dernier, à Notre-Dame, notre nouvel archevêque, Monseigneur Vingt-Trois, s’adressait avec des paroles fortes aux représentants de toutes les paroisses parisiennes pour les inviter à faire le point sur la MISSION. Dans cet esprit une « visite pastorale » de notre paroisse devrait débuter bientôt sous le regard bienveillant et avec la participation de notre vicaire général, Monseigneur d’Ornellas. Le Petit Céphalophore voudrait poursuivre dans ce numéro 2 l’effort déjà entrepris - et qui se poursuivra certainement dans les numéros à venir – et contribuer encore à notre commune réflexion sur cette question de la « mission ». Parler de mission au début du Carême semblera bizarre à certains. Et pourtant, l’Evangile que nous entendons en ce premier dimanche de carême nous oriente déjà vers la finalité missionnaire de ce temps liturgique. En un raccourci saisissant saint Marc présente en effet les quarante jours de tentations au désert comme la préparation immédiate à la proclamation de l’Evangile : dès la sortie du désert, à l’annonce de l’arrestation de Jean-Baptiste, « Jésus partit pour la Galilée proclamer la Bonne Nouvelle de Dieu ».
Le désert prépare l’annonce parce qu’il remet devant l’essentiel, parce qu’il unifie dans l’écoute et l’obéissance à la Parole de Dieu, parce qu’il est le lieu où les tentations une fois vaincues, la mort – symbolisée ici par l’arrestation de Jean-Baptiste - peut être affrontée et dépassée par l’annonce de l’Evangile, puissance de vie déjà à l’œuvre et annonciatrice de la résurrection. Le Carême nous entraîne dans ce dynamisme fondamental. En nous tournant plus résolument vers le Christ nous pouvons nous laisser saisir par le mouvement qui l’habite. Sans anticiper les fêtes de Pâques et de Pentecôte nous pouvons déjà méditer ce verset : « Jésus partit pour la Galilée proclamer la Bonne Nouvelle de Dieu »... Le mouvement qui s’exprime ici est un départ, une mise en route, un dynamisme – au moins intérieur – qui provoque un déplacement. Ce départ oriente vers un lieu, la Galilée, une région qui a ses limites géographiques, ses caractéristiques culturelles, sociales, religieuses, économiques : la mission n’est pas « tous azimuts », elle s’incarne, consent aux limites, appelle des priorités, tient compte de son environnement. Jésus proclame la Bonne Nouvelle de Dieu : c’est une action qui exige une conscience claire, une détermination, des choix, des objectifs. Des interviews de quatre paroissiens (aux profils très différents) au témoignage des moines de Tibhirine qui, il y a dix ans, ont donné leurs vies en Algérie par amour du Christ et de leurs frères algériens, en passant par notre projet de Carême en faveur d'un dispensaire togolais, ce journal invite chacun à se mettre en route, vers le lieu où Dieu l’attend et pour l’action que l’Esprit lui soufflera. Bonne lecture ! Bon Carême !


 

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