vendredi, décembre 23, 2005
jeudi, décembre 22, 2005
JAM 2005, visite guidée







Tout pour la maison ! Couettes, nappes, torchons et serviettes, tabliers, sets de tables, napperons, mouchoirs, gants de cuisine et manipules, rideaux, draps de lit et draps de bain en lin, soie, coton, éponge, dentelle, métis, de toutes tailles, de toutes couleurs, à fleurs, à carreaux, à rayures, disposés avec soin par ces dames sur des nappes blanches: il est impossible pour la ménagère consciencieuse de ne pas trouver ici son bonheur, voire de se laisser tenter par le linge basque aux teintes lumineuses comme le soleil de Saint-Jean-de-Luz. Tout à côté notre couturière présente sa collection de robes à smoke, pour petites filles un peu coquettes. Parfum d’enfance, les souvenirs reviennent et les jeunes clientes fidèles qui réclament chaque année leur robe préférée, juste la taille au-dessus…
Dans sa cage de verre, entre le téléphone et le radiateur électrique, l’homme à l’écharpe veille, prêt à accueillir chacun, à renseigner chacune, à secourir les bonnes volontés débordées. Rien ne lui échappe, si ce n’est parfois un soupir résigné après un coup de fil incongru. Mais laissons-le travailler.
De l’autre coté de l’allée, s’étalent majestueusement les livres neufs en une profusion de tailles, de titres et de genres qui aiguisent l’appétit du lecteur, tenaillé entre le choix d’un roman sérieux ou celui d’un livre d’art, à moins qu’il ne se laisse convaincre, sur les supplications du petit dernier, par un beau conte de fées. Le plaisir de la lecture est aussi un chemin pour le salut de l’âme : comment échapper à l’emplette d’un Jean-Paul II ? Qui n’a pas son Ratzinger ? Ou ne connaît pas encore le bienheureux Charles de Foucauld ? Mesdames les libraires guident nos pas avec science en partageant notre curiosité : elles se régalent avec nous des mots et des auteurs.
A propos d’auteurs, en voici deux, courbés sous le fardeau de la dédicace. Le premier est acteur : Michael Lonsdale signe ce samedi ses Oraisons et l’on reconnaît derrière les cheveux longs grisonnants de l’écrivain inspiré le « méchant » de James Bond (il y a bien longtemps !) ou le Pèlerin russe en chemin vers Jérusalem, depuis la crypte humide de l’église Saint-Sulpice. Il a retrouvé parmi nos séminaristes un ancien complice de théâtre avec lequel il bavarde longuement, quand ses admirateurs se sont dispersés.
Le second était journaliste et n’a cessé d’écrire : Guy Baret présente ce dimanche Jésus, reviens ! à ceux qui furent jadis ses co-paroissiens. Il est manifestement heureux de revenir à Saint-Denys sur l’invitation d’une consoeur, comme nous de l’accueillir, malgré la concurrence sévère de l’apéritif servi sur le parvis à l’issue de la messe et de la chorale congolaise chargée de l’animation, dont résonnent encore les chants rythmés par les percussions.
Tout ce qui est pourvu d’un fil électrique, d’une pile ou de tout autre source d’énergie ainsi que tout ce qui s’y rapporte se trouve non loin, posé pêle-mêle sur la toile rouge aux étoiles argentées, façon super-stand-américain. Informatique, électronique, télévision, vidéo, DVD, hi-fi, téléphonie, walk-manie, tout y passe, pourvu que ça bouge, pourvu qu’il y ait du bruit, du son, de l’image, pourvu qu’on communique ! Le vendeur au pull blanc remue beaucoup lui-même au point de devoir être constamment relayé par d’autres as de la technique moderne des loisirs qui ont accepté de lui prêter main-forte. Quittons toute cette agitation pour admirer (c’est une première !) les œuvres de notre maître es cartonnage, un travail de patience, d’habileté et de précision. Bernadette a consacré tous ces derniers jours au collage, pliage et autre découpage pour offrir au chaland un beau choix de porte-photos, boites et plumiers aux tons pastel. En face, on est derechef plongé dans la culture, mais ici les livres sont d’occasion, classés par genre, de l’encyclopédie (vous saurez tout sur le cheval en six volumes) au roman policier en passant par les mémoires de nos grands hommes, les prix littéraires des dernières années (déjà presque oubliés) et les recettes culinaires. L’œil averti saura aussi dénicher un tome de La Pleïade, un vieux plaidoyer de Cicéron en latin et un traité de géographie relié cuir. Une cliente boulimique achète trois caisses de livres pour les USA : le Nouveau monde a ses bons côtés… C’est ce même parfum de voyage qui flotte au bout de l’allée, où sont délicatement exposés des objets du monde entier, parfois des plus singuliers, pour le plus grand bonheur des amoureux de l’exotisme. De la Chine à la Hongrie, du bois à la porcelaine, de la statuette au miroir, tout est invitation à l’ailleurs, donc à l’autre. Parmi les bijoux, des colliers de coquillages venus des lointaines Wallis et Futuna côtoient quelques coquilles d’huîtres dont la perle inachevée restera à jamais enchâssée dans la nacre. La chapelle enfin, qui semble nue sans son autel, est pourtant encombrée de lourds rouleaux de tissus de velours et de satin qui raviront les amateurs et ornée de gravures anciennes représentant cathédrales, boulevards et vieux murs de pierre ou encore d’idéogrammes chinois de belle taille. Il convient à présent de quitter l’église pour la suite de la visite, dans les salles paroissiales adjacentes. Mesdames, messieurs, si vous voulez bien vous donner la peine… A droite, l’incommensurable bric-à-brac de la brocante vous offre absolument tout, même le plus improbable. Chaque objet a trouvé presque mystérieusement sa place au sein de la vaste salle où s’active dans la poussière et depuis plusieurs jours une équipe aussi courageuse qu’infatigable. Ceux qui souffrent d’une rage de dents trouveront ici les instruments nécessaires à une extraction; d’autres préfèreront le carafon de cristal ou le lustre art déco ; d’autres encore le lourd crucifix de bronze ou l’épingle à chapeaux. Les sportifs repartiront avec une paire de ski, les musiciens avec une guitare, les énervés avec une machine à café. Ne manquent que les jouets, qui attendent sagement dans la pièce voisine… La caverne d’Ali Baba, à côté, ferait grise mine. Ici sont les véritables trésors exposés à l’émerveillement de tous, même de ceux qui ont passé l’âge de jouer aux bulles de savon. Pour quelques sous seulement, on peut trouver dans une petite corbeille en osier le colley et l’éléphant en plastique qui manquaient à sa collection d’animaux ; choisir un puzzle pour les longs après-midi d’hiver ; opter pour une poupée ou une peluche, un bureau ou un vélo ! Mais à nos narines parvient soudain une étrange odeur de gâteau mêlée de fromage… Entrons dans la dernière salle. Madame M., à l’instar des Italiennes qu’on connaît au cinéma, est une charmeuse et une effrontée. Elle a seule ce culot inouï de visiter les commerçants du quartier pour leur suggérer de faire un geste pour les Journées d’amitié, et ça marche, non pas à cause de ses cheveux blancs, comme elle dit, mais grâce à son sourire et son œil malicieux. Comme il est impossible de leur résister, elle repart les bras chargés de cadeaux de toutes sortes qu’elle vend pour « Troifoirien ». A ces dons de persuasion s’ajoutent des talents de brodeuse, et madame M. propose avec fierté ses torchons blancs brodés de couleurs vives, pièces uniques destinées à égayer les cuisines. Descendons une marche et nous voilà plongés au cœur du terroir. Les dames d’abord, sur notre gauche. Cette grande nappe blanche aujourd’hui déserte était hier encore un champ de victuailles où fleurissaient les reblochons comme de blanches marguerites, les quiches lorraines comme autant de boutons d’or et une multitudes de pots de confitures rouges comme des coquelicots. Une explosion de couleurs et de saveurs ! Sur notre droite, le digne fils de Noé (il porte la belle barbe blanche des patriarches) propose avec un enthousiasme communicatif un choix de vins, blancs ou rouges, après dégustation. Les curieux s’attardent, un verre à la main, le regard pensif et lointain tel qu’il convient pour l’occasion. Enfin le restaurant : asseyons-nous plutôt. A l’heure du thé, comme approche le crépuscule, l’ambiance y est douce et feutrée, mais à midi, l’agitation est digne des meilleures brasseries parisiennes. Sans parler des menus, remarquablement variés : tagine ou curry, gastronomie portugaise ou repas froid, et que dire de la multitude des desserts, savamment exposés aux yeux des gourmands ! Des heures de préparation en cuisine sont ainsi englouties en un instant, avec bonheur. Voilà, notre visite est achevée. Mais oui ! Vous pouvez rester un peu… Dominique T.