De bonnes nouvelles de Marc L., paroissien en Terre Sainte pour l'Oeuvre d'Orient
Beit Jala, décembre 2019
Chère
famille, chers amis,
Cela
fait déjà un mois que je suis arrivé à Beit Jala, à côté de Bethléem, au
Séminaire du Patriarcat Latin de Jérusalem[1]. Il a
fallu en effet attendre plus d’un mois mon visa de travail et c’est finalement
le 14 novembre que j’ai pu embarquer.
Quel
changement de vie ! Je le voulais pour cette année sabbatique en Terre
sainte, et je suis servi.
Ici,
ma priorité est d’abord d’être un bon prof’ de FLE (Français Langue
Étrangère, prononcer « fleu »), pour des séminaristes de 1ère
année (« propédeutique ») et des élèves du petit séminaire, en
l’occurrence de l’équivalent de la 3e. C’est aussi d’être un bon ‘compagnon de vie
communautaire de langue française’. L’objectif qui m’est donné par le Père
Recteur Abouna Yacoub : donner le goût du français - et de la culture
française. « Venir en cours de français, le parler devraient être un
plaisir ». Cela dans un contexte où l’anglais, plus simple, s’impose comme
langue internationale. C’est donc ambitieux ! Un des moyens utiles : être
le plus convivial possible.
Exercer
un nouveau métier destiné à des élèves n’avait rien d’évident. J’avais commencé
à me préparer avec des amis enseignants et m’étais heureusement rôdé en tant
que prof’ de français à Madagascar en septembre avec l’association Esperanza. Aussi,
je varie les méthodes et les outils (conversation, lectures debout à haute voix,
vidéos, etc.) en m’adaptant à des élèves de niveau très différent. Il s’agit de
converser en français et notamment sur la France. « Non ce n’est plus
Chirac le Président, ni Macaron
mais Macron ! ». Chirac est resté très populaire ici depuis sa visite
épique à Jérusalem. J’aime la pédagogie et vais pouvoir continuer à mettre en pratique.
Participer à l’éducation de jeunes, leur donner le maximum de ressources pour
la vie : quel plus beau métier peut-il y avoir J ? J’ai également aidé le Père recteur à préparer
sa visite en France pour ses présentations du Séminaire et son homélie en français.
A
partir de janvier, il s’agira d’enseigner les « Life skills » cette
fois-ci en anglais à ces mêmes élèves de 1ère année. Les Life
skills, ce sont des « aptitudes nécessaires pour être prêtre : conscience
de soi-même et qualités relationnelles, communication, esprit critique et
créatif, résolution de problème et prise de décision, etc. ». C’est une
innovation du Séminaire de cette année. Les sujets sont vastes et intéressants,
tout est à bâtir, en termes de théorie et surtout d’exercices pratiques :
un beau défi ! …
Comme
je le souhaitais, cette année sabbatique me permet d’avoir du temps pour me
consacrer au « spirituel », à la lecture de la Bible. Une part
importante de mon temps est réservée à la « relation à Dieu ». L’« appel »
que j’avais reçu le mercredi saint 2018 alors que j’étais chez les Dominicains
de Strasbourg, concernait l’interreligieux, l’interculturel, peut-être le
conflit israélo-palestinien. Je me retrouve dans un contexte au cœur de ce
sujet. Mais ce qui est nouveau pour moi, qui suis déjà venu 11 fois dans
« ce pays »[2], c’est
vivre du côté palestinien. J’y ressens la souffrance d’un peuple qui n’a pas
son autonomie. Quel choc de tomber l’un des premiers soirs, alors que je me
baladais à bicyclette dans Bethléem, sur le mur de 8 mètres de haut et ses
tours de contrôle qui séparent la Palestine d’Israël. Quel choc aussi de
quitter Bethléem et de me retrouver 300 mètres plus loin dans des
embouteillages avec des bus bondés de Juifs orthodoxes. Quel choc encore de se
retrouver à 23h face à un checkpoint fermé « parce qu’il pleut. Qu’est-ce
que tu veux, c’est la décision de Dieu » alors que
l’autre est à près de 10 km et alors que l’avant-veille un soldat israélien
m’avait dit : « pas la peine de me montrer ton passeport. Mais tu devrais
porter un casque pour la bicyclette ». Ce même checkpoint où une vieille
dame palestinienne vendeuse de chewing-gums m’avait donné un bouquet de sauge. L’aléatoire
et le paradoxal règnent en maîtres ici !
Faut-il
d’ailleurs que je parle de Territoires palestiniens comme le MAEE[3], de Cisjordanie
comme dans le passé en France, de Left Bank comme les anglo-saxons, de « Palestine
occupée » comme le font d’autres personnes ou organisations ?
J’adopte le mot Palestine qui a l’avantage d’être plus court et préfigure la
naissance d’un État, un jour. Et je n’oublie
pas par ailleurs l’aspiration légitime des Israéliens à la sécurité sans
attentats.
En
ce qui concerne l’interculturel, j’ai pu aborder la question grâce à un
intéressant colloque organisé à la Fondation Konrad Adenauer à Jérusalem sur « les
villes et les conflits ». Le maire de Belfast y a raconté la
réconciliation entre Protestants et Catholiques en Irlande du Nord. L’une des
clés : faire passer la proportion des catholiques dans la police d’Irlande
du Nord de 8 à 50%. Le représentant de Sarajevo de son côté a indiqué que la
confiance des Bosniaques était de 30% dans les politiques et de 80% dans les
responsables religieux. Une situation répandue au-delà de la seule Bosnie...
Je
vis un changement radical de rythme de vie et d’environnement. La vie
communautaire, que j’avais souhaitée, a l’arabe comme langue commune. Mais
certains Pères[4] aiment
parler le français. C’est le cas aussi du Père Davide, prêtre italo-américain
de 36 ans qui a beaucoup contribué à mon accueil ici. La vie y est rythmée par
les offices en arabe (en ce qui me concerne, je vais principalement à la « messe
de la famille » du mercredi) et les repas avec des horaires proches de la
France (7h30, 13h et 19h30). Le Séminaire comprend un verger, un champ
d’oliviers, des chats sauvages et un poulailler... Il a aussi de très belles
terrasses avec la vue sur Bethléem en contrebas, le ciel bleu de décembre, l’air
sec, la lumière vive, la magnifique pierre blanche de Jérusalem avec lesquelles
sont construites les maisons en Palestine et en Israël.
L’environnement
est aussi constitué par un groupe important de jeunes volontaires ou coopérants
français, basés surtout à Jérusalem, mais quelques-uns sont également à
Bethléem. Le groupe WhatsApp a plus de 60 participants, dont une vingtaine pour
l’association qui m’envoie : l’Œuvre d’Orient[5].
L’association
nous a organisé un très beau pèlerinage qui a permis aussi permis de faire
connaissance : Armageddon, le mont Carmel et d’Elie, Haïfa, le lac de Tibériade
avec Tabgha (lieu où Jésus établit la primauté de Pierre sur l’Église), Magdala
et le mont Arbel, le mont Thabor, l’un des monts possibles avec le Mont Hermon
pour la Transfiguration de Jésus selon les historiens / la tradition. Et puis,
le voyage a été l’occasion de visiter des centres tenus par les Filles de la
charité de Saint-Vincent de Paul dédiés aux personnes handicapées, âgées,
aux jeunes mères et à leur enfant. La visite au centre pour handicapés de Haïfa
avec ses visages défigurés, et malgré tout des sourires, restera un moment particulièrement
fort et émouvant.
Un
outil important pour ma vie ici, c’est le vélo : utile pour aller à
Bethléem, rejoindre les bonnes stations de bus, le sport, les balades. J’ai pu
y découvrir notamment le monastère de Cremisan à quelques km et son joli coin
de campagne, ce qui est appréciable dans un contexte très urbanisé. Le
monastère, tenu par des Salésiens de Don Bosco italiens, est connu pour son vin,
l’un des meilleurs de Palestine.
Et
bien sûr Jérusalem qui n’est qu’à 7 km, au-delà du mur et du checkpoint…
A
Bethléem et au Séminaire, Noël se prépare bien sûr. Les illuminations abondent avec
des sapins immenses. Les photos en pièce jointe vous permettront de voir les
choses plus concrètement.
Je
vous souhaite une excellente poursuite de vos activités, vous dis UdP[6] J et vous embrasse !
Marc

[1] Le
Séminaire accueille des lycéens (de 3e et 2nde car ils
vont en école mixte en 1ère et en Terminale) et des séminaristes
entre 18 et 30 ans. Il forme les futurs prêtres catholiques pour la Jordanie,
la Palestine, Israël (Galilée surtout) et Chypre.
[2] La 1ère
fois en 1985 pour un voyage avec des amis, 4 fois lors de séminaires
israélo-palestino-français organisés par mon ami Henri Cohen-Solal, 4 fois avec
Roseline ma compagne de 2000 à 2008 qui travaille chez Orange pour Israël et la
Palestine, une fois avec l’UEJF et SOS racisme et une fois en voyage
interreligieux avec l’association Artisans de Paix.
[3]
Ministère des Affaires Étrangères et Européennes
[4] Il y en
a 8 en permanence avec beaucoup de visites de ceux vivant aux alentours
(Bethléem, Beit Jala, Beth Sahour), en Jordanie, en Galilée, etc.
[5] L’œuvre
d’Orient est une association créée en 1854 pour les soutenir les Chrétiens mais
aussi les autres populations dans 23 pays d’Orient https://oeuvre-orient.fr/ Elle aide
notamment les nombreux organismes pour personnes handicapées, de santé ou
éducatifs dans les pays où elle est présente et aide aussi à sauvegarder le
patrimoine.
[6]
UdP : Union de Prière.
0 Comments:
Enregistrer un commentaire
<< Home