Le Petit Cephalophore

dimanche, janvier 12, 2020

De bonnes nouvelles de Marc L., paroissien en Terre Sainte pour l'Oeuvre d'Orient


Beit Jala, décembre 2019
Chère famille, chers amis,

Cela fait déjà un mois que je suis arrivé à Beit Jala, à côté de Bethléem, au Séminaire du Patriarcat Latin de Jérusalem[1]. Il a fallu en effet attendre plus d’un mois mon visa de travail et c’est finalement le 14 novembre que j’ai pu embarquer.

Quel changement de vie ! Je le voulais pour cette année sabbatique en Terre sainte, et je suis servi.

Ici, ma priorité est d’abord d’être un bon prof’ de FLE (Français Langue Étrangère, prononcer « fleu »), pour des séminaristes de 1ère année (« propédeutique ») et des élèves du petit séminaire, en l’occurrence de l’équivalent de la 3e.  C’est aussi d’être un bon ‘compagnon de vie communautaire de langue française’. L’objectif qui m’est donné par le Père Recteur Abouna Yacoub : donner le goût du français - et de la culture française. « Venir en cours de français, le parler devraient être un plaisir ». Cela dans un contexte où l’anglais, plus simple, s’impose comme langue internationale. C’est donc ambitieux ! Un des moyens utiles : être le plus convivial possible.
Exercer un nouveau métier destiné à des élèves n’avait rien d’évident. J’avais commencé à me préparer avec des amis enseignants et m’étais heureusement rôdé en tant que prof’ de français à Madagascar en septembre avec l’association Esperanza. Aussi, je varie les méthodes et les outils (conversation, lectures debout à haute voix, vidéos, etc.) en m’adaptant à des élèves de niveau très différent. Il s’agit de converser en français et notamment sur la France. « Non ce n’est plus Chirac le Président, ni Macaron mais Macron ! ». Chirac est resté très populaire ici depuis sa visite épique à Jérusalem. J’aime la pédagogie et vais pouvoir continuer à mettre en pratique. Participer à l’éducation de jeunes, leur donner le maximum de ressources pour la vie : quel plus beau métier peut-il y avoir J ? J’ai également aidé le Père recteur à préparer sa visite en France pour ses présentations du Séminaire et son homélie en français.

A partir de janvier, il s’agira d’enseigner les « Life skills » cette fois-ci en anglais à ces mêmes élèves de 1ère année. Les Life skills, ce sont des « aptitudes nécessaires pour être prêtre : conscience de soi-même et qualités relationnelles, communication, esprit critique et créatif, résolution de problème et prise de décision, etc. ». C’est une innovation du Séminaire de cette année. Les sujets sont vastes et intéressants, tout est à bâtir, en termes de théorie et surtout d’exercices pratiques : un beau défi ! …

Comme je le souhaitais, cette année sabbatique me permet d’avoir du temps pour me consacrer au « spirituel », à la lecture de la Bible. Une part importante de mon temps est réservée à la « relation à Dieu ». L’« appel » que j’avais reçu le mercredi saint 2018 alors que j’étais chez les Dominicains de Strasbourg, concernait l’interreligieux, l’interculturel, peut-être le conflit israélo-palestinien. Je me retrouve dans un contexte au cœur de ce sujet. Mais ce qui est nouveau pour moi, qui suis déjà venu 11 fois dans « ce pays »[2], c’est vivre du côté palestinien. J’y ressens la souffrance d’un peuple qui n’a pas son autonomie. Quel choc de tomber l’un des premiers soirs, alors que je me baladais à bicyclette dans Bethléem, sur le mur de 8 mètres de haut et ses tours de contrôle qui séparent la Palestine d’Israël. Quel choc aussi de quitter Bethléem et de me retrouver 300 mètres plus loin dans des embouteillages avec des bus bondés de Juifs orthodoxes. Quel choc encore de se retrouver à 23h face à un checkpoint fermé « parce qu’il pleut. Qu’est-ce que tu veux, c’est la décision de Dieu » alors que l’autre est à près de 10 km et alors que l’avant-veille un soldat israélien m’avait dit : « pas la peine de me montrer ton passeport. Mais tu devrais porter un casque pour la bicyclette ». Ce même checkpoint où une vieille dame palestinienne vendeuse de chewing-gums m’avait donné un bouquet de sauge. L’aléatoire et le paradoxal règnent en maîtres ici !
Faut-il d’ailleurs que je parle de Territoires palestiniens comme le MAEE[3], de Cisjordanie comme dans le passé en France, de Left Bank comme les anglo-saxons, de « Palestine occupée » comme le font d’autres personnes ou organisations ? J’adopte le mot Palestine qui a l’avantage d’être plus court et préfigure la naissance d’un État, un jour.  Et je n’oublie pas par ailleurs l’aspiration légitime des Israéliens à la sécurité sans attentats.

En ce qui concerne l’interculturel, j’ai pu aborder la question grâce à un intéressant colloque organisé à la Fondation Konrad Adenauer à Jérusalem sur « les villes et les conflits ». Le maire de Belfast y a raconté la réconciliation entre Protestants et Catholiques en Irlande du Nord. L’une des clés : faire passer la proportion des catholiques dans la police d’Irlande du Nord de 8 à 50%. Le représentant de Sarajevo de son côté a indiqué que la confiance des Bosniaques était de 30% dans les politiques et de 80% dans les responsables religieux. Une situation répandue au-delà de la seule Bosnie...

Je vis un changement radical de rythme de vie et d’environnement. La vie communautaire, que j’avais souhaitée, a l’arabe comme langue commune. Mais certains Pères[4] aiment parler le français. C’est le cas aussi du Père Davide, prêtre italo-américain de 36 ans qui a beaucoup contribué à mon accueil ici. La vie y est rythmée par les offices en arabe (en ce qui me concerne, je vais principalement à la « messe de la famille » du mercredi) et les repas avec des horaires proches de la France (7h30, 13h et 19h30). Le Séminaire comprend un verger, un champ d’oliviers, des chats sauvages et un poulailler... Il a aussi de très belles terrasses avec la vue sur Bethléem en contrebas, le ciel bleu de décembre, l’air sec, la lumière vive, la magnifique pierre blanche de Jérusalem avec lesquelles sont construites les maisons en Palestine et en Israël.

L’environnement est aussi constitué par un groupe important de jeunes volontaires ou coopérants français, basés surtout à Jérusalem, mais quelques-uns sont également à Bethléem. Le groupe WhatsApp a plus de 60 participants, dont une vingtaine pour l’association qui m’envoie : l’Œuvre d’Orient[5].
L’association nous a organisé un très beau pèlerinage qui a permis aussi permis de faire connaissance : Armageddon, le mont Carmel et d’Elie, Haïfa, le lac de Tibériade avec Tabgha (lieu où Jésus établit la primauté de Pierre sur l’Église), Magdala et le mont Arbel, le mont Thabor, l’un des monts possibles avec le Mont Hermon pour la Transfiguration de Jésus selon les historiens / la tradition. Et puis, le voyage a été l’occasion de visiter des centres tenus par les Filles de la charité de Saint-Vincent de Paul dédiés aux personnes handicapées, âgées, aux jeunes mères et à leur enfant. La visite au centre pour handicapés de Haïfa avec ses visages défigurés, et malgré tout des sourires, restera un moment particulièrement fort et émouvant.

Un outil important pour ma vie ici, c’est le vélo : utile pour aller à Bethléem, rejoindre les bonnes stations de bus, le sport, les balades. J’ai pu y découvrir notamment le monastère de Cremisan à quelques km et son joli coin de campagne, ce qui est appréciable dans un contexte très urbanisé. Le monastère, tenu par des Salésiens de Don Bosco italiens, est connu pour son vin, l’un  des meilleurs de Palestine.
Et bien sûr Jérusalem qui n’est qu’à 7 km, au-delà du mur et du checkpoint…

A Bethléem et au Séminaire, Noël se prépare bien sûr. Les illuminations abondent avec des sapins immenses. Les photos en pièce jointe vous permettront de voir les choses plus concrètement.

Je vous souhaite une excellente poursuite de vos activités, vous dis UdP[6] J et vous embrasse !

Marc
 Suis-moi sur Insta à : Marc Lebret




[1] Le Séminaire accueille des lycéens (de 3e et 2nde car ils vont en école mixte en 1ère et en Terminale) et des séminaristes entre 18 et 30 ans. Il forme les futurs prêtres catholiques pour la Jordanie, la Palestine, Israël (Galilée surtout) et Chypre.
[2] La 1ère fois en 1985 pour un voyage avec des amis, 4 fois lors de séminaires israélo-palestino-français organisés par mon ami Henri Cohen-Solal, 4 fois avec Roseline ma compagne de 2000 à 2008 qui travaille chez Orange pour Israël et la Palestine, une fois avec l’UEJF et SOS racisme et une fois en voyage interreligieux avec l’association Artisans de Paix.
[3] Ministère des Affaires Étrangères et Européennes
[4] Il y en a 8 en permanence avec beaucoup de visites de ceux vivant aux alentours (Bethléem, Beit Jala, Beth Sahour), en Jordanie, en Galilée, etc.
[5] L’œuvre d’Orient est une association créée en 1854 pour les soutenir les Chrétiens mais aussi les autres populations dans 23 pays d’Orient https://oeuvre-orient.fr/ Elle aide notamment les nombreux organismes pour personnes handicapées, de santé ou éducatifs dans les pays où elle est présente et aide aussi à sauvegarder le patrimoine.
[6] UdP : Union de Prière.


 

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