Le Petit Cephalophore

mercredi, avril 17, 2019

Hubert, Péguy et Notre-Dame


LE VIEUX QUI LISAIT PEGUY DANS LE METRO

Ce matin, je l’ai vu qui descendait, d’un pas mal assuré, les escaliers de la station Saint-Paul ; il avait un livre à la main.
Il récitait, croyais-je, en lisant sur ses lèvres – c’est une habitude que j’ai prise, et qui me rend bien service dans les lieux bondés où les voix s’enchevêtrent – un beau vers de PEGUY, bien frappé, comme ces alexandrins du père HUGO, qui sont au plein sens du mot, formidables, et qu’il aimait tant, les servant d’un commentaire si juste qu’on les voyait se recréer sous nos yeux, comme dans « Notre Patrie », la garde à Waterloo et aussi le cortège macabre que font les plus grands bandits de la terre, devant « Clio », à Napoléon III lorsqu’ils lui scandent sa marche funèbre sur l’air « de Malbrou », que BEAUMARCHAIS jadis avait mis dans la bouche de Chérubin, où il y avait sous la douceur de dire les premières flammes de la Révolution, et où déjà, au refrain, Paris pleurait, « O Misère… »
Et j’ai cru y voir ceci :
« Double vaisseau de charge au pied de Notre-Dame »
Quelle charge, en effet, que ce Paris encombré, si insupportablement capital à ceux qui ne l’habitant pas, regimbent à y entendre battre ce cœur qui pourtant est de leur histoire même, et si amoureusement à tant d’autres.
« Double vaisseau » – comme s’il s’agissait là autant d’eau que de sang – venu pour l’éternité enlacer les pieds de sa Dame, Protectrice on le sait du pays mais non de la ville que pourtant elle préside, qui a ses propres saints, bien historiques, réels et batailleurs : Marcel, Denis, Geneviève...
« Double vaisseau » qui n’a pu ni donner suffisamment de son eau ni retenir ses larmes lorsque la Maison Dieu s’est mise à flamber comme les torches autrefois promenées dans d’autres villes, Rome, Londres, Lisbonne, Paris aussi.
« Comme Dieu ne fait rien que par miséricorde
Il fallut qu’elle vît son royaume en lambeaux
Et sa filleule ville embrasée aux flambeaux… »
Je lui ai demandé qu’il m’explique.
Il m’a répondu que la beauté était un service que les hommes se devaient à eux-mêmes, qu’elle leur montrait le chemin de Dieu et ce qu’il faut pour vivre, peut-être pour aussi mourir, mais qu’elle ne devait jamais se suffire à elle-même ; que c’était peut être ça qui avait aveuglé les gardiens du sanctuaire ; qu’il ne fallait pas pour autant leur en vouloir ; que Dieu restait libre de choisir la forme de sa maison ; que celle-ci bien sûr serait reconstruite et que c’est dans cet effort sans doute que l’on apercevrait le priant essor dont les hommes sans le savoir, avaient le plus réel besoin.
Il m’a dit que la miséricorde de Dieu était infinie, et que cet infini voulait, quand sa brise n’était plus entendue, qu’il y eût parfois dévastation.
Comme je suis un peu sourd, j’ai pleuré.
Hubert de Saint A.


 

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