Les paroissiens parlent de l'homélie dominicale
Philippe : « Depuis
mon enfance, tous les dimanches, j’écoute les homélies (les "sermons"
avant 1970). Il m’arrive d’en écouter deux par dimanche: le matin à la messe et
le soir en suivant la messe ou juste l’homélie retransmise de Notre-Dame de
Paris par la télévision KTO. L’homélie, prononcée exclusivement par l’évêque,
le prêtre ou le diacre, complète la liturgie de la parole pour nous aider à
accueillir la Bonne Nouvelle. Je me suis nourri des homélies au gré des
retraites dans des communautés religieuses, dans des lieux qui à la différence
de nos lieux de vie, nous rendent disponibles à l’écoute. Adolescent, j'écoutais les
homélies des frères prêcheurs sur France Culture ou grâce à l’émission « Jour
du Seigneur ». Je les commandais pour les relire et les dire à haute voix (je
vous dis tout). Ces lectures ont complété mon catéchisme et consolidé ma foi.
Elles m'ont fait découvrir l'Ecriture et les liens qui unissent les lectures
entre elles. Si on me complimente pour mes connaissances, je réponds : "je
n'ai fait qu'écouter les prêtres à la messe". L’écoute est essentielle.
Parfois notre esprit est vagabond, et nous devons le discipliner. Lire les
textes du jour avant la messe est
utile. Si notre écoute est humble, nous éprouvons une joie à réentendre les
mêmes choses avec des développements toujours nouveaux. L’homélie nous prépare
à recevoir l’Eucharistie. C’est le cœur et non le cerveau qui s’en nourrit. On
peut oublier le contenu d’une homélie, mais elle va continuer d'agir en nous.
Les homélies du père Eric de Moulins-Beaufort, curé de Saint-Paul-Saint-Louis
dans les années 2000-2005, ont contribué à parfaire ma conversion à un moment
de ma vie marqué par des deuils. Dieu m'a aidé à dépasser le chagrin : je m’en
suis rendu compte en me
surprenant de sourire à la sortie d’une messe dominicale. Mais surtout,
l'homélie qui tisse le lien entre la parole et la vie, nous aide à résoudre
l’équation « adorer Dieu et aimer le prochain comme soi-même ». Une religion de
l’impossible? Chers prédicateurs, ne vous lassez jamais de nous redire qu’il
n’y a que le Christ. »
Propos recueillis par Katarina K.
Guillaume : « L’homélie compte davantage pour moi aujourd’hui
qu’il y a dix ans. C’était ma bête noire. Je savais qu’il y avait un creux
entre les lectures et la suite de la messe, durant lequel il me fallait faire
semblant d’écouter. Maintenant, ça va mieux. Ça va dépendre du prêtre, mais
c’est généralement intéressant. Tu fais plus gaffe aux textes, tu vois un
nouvel éclairage sur un texte que tu croyais bien connaître. L’homélie est
rarement trop longue, mais quelquefois un peu décousue. C’est bien, parce qu’on
peut décrocher un moment puis revenir sans avoir trop perdu le fil, papillonner
un peu ! Une homélie marquante ? Oui, une ou deux. Celle du père Pedro à
Madagascar, il y a quelques mois : 15 minutes en malgache et 30 secondes en
français ! Il nous a expliqué que si les Malgaches chantaient et dansaient
pendant la messe, c’est parce qu’ils sont en communion avec Dieu « qui
chante et danse avec nous dans le Ciel ! » Ils font du dimanche une
fête, pas seulement un jour où on peut glander. Mais la plupart des homélies,
on les oublie au fur et à mesure. On oublie les mots, mais on garde les idées,
que les prêtres répètent, chacun avec une expérience différente. Touche par
touche, on perçoit des choses qu’on aurait du mal soi-même à formuler. Il y a
plusieurs approches possibles : elle peut donner les clefs pour éviter les contre-sens
; elle peut commenter les textes comme une parole d’actualité. (L’état d’esprit
des Pharisiens, par exemple, il est aussi d’aujourd’hui !) ; elle peut
enfin proposer des pistes en
attendant une meilleure idée à l’homélie suivante... »
Propos recueillis par Dominique Th.

Jean-Luc « L’homélie
? Pour moi c’est le moment très important de la liturgie de la parole, qui me
permet de descendre dans les textes, de prendre conscience de la portée de ces
paroles de Dieu dans ma vie. Il y a treize ans quand je suis arrivé dans le
quartier, je me suis renseigné sur la paroisse dont je dépendais : c’était
loin, impersonnel, je n’en garde pas un bon souvenir. Je suis venu voir à
Saint-Denys, j’ai entendu le père Quinson et je me suis dit : « Voilà un bel
office avec une homélie qui a du sens, du fond, du fruit ! » C’est
certainement très difficile de préparer une homélie en évitant les lieux
communs, la paraphrase, et en acceptant d’y dévoiler un peu de soi. A
Saint-Denys les charismes sont variés : le père Roger s’appuie en
profondeur sur des moments vécus, le père Siméon est précis et pédagogue, le
père Maxime nous éclaire avec souffle, feu, conviction ! Un élément
déterminant pour moi est la concentration de l’assemblée : si je suis
distrait intempestivement pendant le temps de l’homélie cela m’agace vivement.
Il y a aussi les jours peu réceptifs, où je zappe facilement… A l’inverse il
m’est arrivé d’être tellement touché
par une homélie, que cela m’a donné envie de demander le sacrement de réconciliation
alors que je n’avais pas prévu la démarche. Être ainsi interpellé par le
Seigneur me révèle qu’il agit en moi. Enfin je ressens avec force les homélies
associées à des moments essentiels : cérémonies de mariage, de
funérailles… Les paroles qui me frappent alors restent ancrées dans mon cœur. »

Xavier « La méditation
des textes de la liturgie que le prêtre offre dans l’homélie me permet d’entrer
en contact avec Dieu : c’est un moment où je suis bien... Je ressens très
fort la délicatesse, la liberté du Christ s’adressant à moi à travers les paroles
du prêtre. Il transmet ce qu’il a reçu du Seigneur dans son mûrissement de la
parole en vue de l’homélie, parole dont il est le témoin. Inspiration basée sur
son ressenti, sur les liens qu’il fait avec d’autres passages de
l’écriture : c’est cela qui me sollicite et m’interpelle, devenant
pour moi parole nouvelle qui m’ouvre le cœur, Verbe au sens biblique du terme.
C’est un moment fort que je vis avec mon intelligence et mon âme, sollicitées
et nourries toutes les deux en même temps… la réflexion intellectuelle
m’intéressant dans sa dimension d’approfondissement, si elle demeure liée au
cœur. Une homélie qui s’en tient au commentaire catéchétique ou littéraire, qui
reste détachée du vécu ne me touche pas ! Si l’orateur est bon tant mieux,
mais l’essentiel pour moi est de rencontrer le Seigneur, de découvrir toujours
plus sa présence, son action au sein des joies, des peurs, des peines. Je
réalise que j’ai un grand besoin de cette respiration de l’homélie ! Et
pourtant parfois je ne suis pas disposé, je reste extérieur, distrait… je
décroche et je raccroche… Des souvenirs d’homélies ? Non… je ne me
souviens pas des homélies, je les vis : quand elles me parlent je ressens
profondément la joie, l’émotion. Je ressens que le Seigneur m’aime, vient vers
moi malgré ma misère. »
Propos
recueillis par Isabelle M.
Histoire d'homélie
Histoire d'homélie
Évangile de
Jésus Christ selon saint Luc (24, 30 –32) :
« Quand il fut à table avec
eux, ayant pris le pain, il prononça la bénédiction et, l’ayant rompu, il le
leur donna. Alors leurs yeux s’ouvrirent, et ils le reconnurent, mais il
disparut à leurs regards. Ils se dirent l’un à l’autre :
« Notre cœur n’était-il pas brûlant en nous, tandis qu’il nous parlait sur
la route et nous ouvrait les Écritures ? »
L’Évangile de Luc consacré aux disciples
en route vers Emmaüs (24, 13-35) est
peut-être la meilleure – la plus féconde – des introductions à une
réflexion sur la nature et la place de l’homélie dans la liturgie
eucharistique. « Notre cœur n’était-il pas
brûlant en nous, tandis qu’il nous parlait [...] et nous ouvrait les
Écritures »... on ne saurait mieux nous
rappeler que l’homélie est d’abord une rencontre, réconfortante,
éclairante, bouleversante avec la Parole. L’homélie fait corps avec l’Écriture
sainte et la proclamation de l’Évangile. Elle n’est ni une leçon de catéchisme
ni un exposé théologique. Pas davantage un exercice d’éloquence. Par la bouche
du prêtre, c’est vraiment le Christ qui s’adresse à nous, qui nous rejoint,
nous atteint, nous provoque ici et maintenant – « Esprits sans intelligence ! Comme votre cœur est
lent à croire tout ce que les prophètes ont dit ! » (24, 25) Luc nous
rappelle ainsi que nous ne saurions entrer dans le mystère de la
célébration eucharistique, participer au festin sacré de l’Eucharistie, sans
l’écoute de cette Parole qui s’entend d’autant mieux, s’éprouve d’autant plus
aigüe qu’elle est partagée. C’est le sens même, le sens premier du mot
homélie emprunté au latin homilia, dérivé du grec ancien ὁμιλία, « réunion, assemblée », qui
provient de la racine homou « ensemble ». Se réunir, comme les disciples
d’Emmaüs, avec Celui qui a pris notre humanité pour qu’ « Il [nous] interprète, dans toute l’Écriture, ce qui le
concernait. » (24,27)
Se retrouver pour se nourrir de cette Présence vivifiante,
inépuisable du Verbe incarné. Dans la liturgie chrétienne, venue du
Christ, le partage de la Parole de Dieu et le partage du Pain de vie ne
font qu’un : c’est Jésus qui nous livre la Parole et Lui-même est la Parole
faite chair. Mais pour répondre à l’offrande de cette Parole de vie, l’acte de
foi de notre écoute importe autant que celui du prêtre qui nous l’adresse.
Souvenons-nous de l’exhortation de Jésus après son sermon en parabole : « Entende qui a des oreilles. » (Mt 13,
9)
Jérôme G.
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