Deux séminaristes de Saint-Denys aux JMJ de Cracovie
Témoignages Jean
C. et Benoît, séminaristes de Saint-Denys
Avec quel groupe es-tu parti et quel a été votre programme ? Combien de
personnes composaient ce groupe ?
JEAN : Je suis parti aux JMJ à Cracovie
avec le groupe de la paroisse, composé majoritairement de chefs
scouts.
Nous avons choisi
une version "compacte" des JMJ : du 28 juillet au 1er août, parce que
la plupart d'entre nous était en camp scout durant le mois de juillet. Le
programme, c'était d'aller à Cracovie, de plonger dans la folie des JMJ, et de
vivre l'expérience de la Miséricorde proposée par le pape.
Au départ, nous
étions 16. Nous formions un groupe souple et joyeux, ce qui a permis à quelques
JMJistes français de nous rejoindre (notamment lorsqu'ils avaient perdu leur
groupe), comme Nicolas, jeune auto-entrepreneur français qui a finalement
réalisé tous les JMJ avec nous.
BENOÎT : Je suis parti aux JMJ du 16 juillet au 3
août avec le groupe Cort&Passy qui rassemblait environ 550 jeunes. Après
24h au sanctuaire d'Altötting en Bavière (17-18 juillet), nous avons commencé
notre périple polonais par un pèlerinage vers le sanctuaire de la Sainte-Famille à Lesniow (19 juillet), puis nous sommes passés par le grand sanctuaire
marial de Czestochova (20 juillet). Du 21 au 24 juillet nous avons ensuite
été accueillis par le diocèse de Wroclaw, très belle ville de Silésie. Le 25,
nous avons visité les camps d'Auschwitz puis nous nous sommes rendus
l'après-midi à Trzebinia pour la messe rassemblant tous les jeunes du
diocèse de Paris autour de Mgr Beau. Du 26 au 31 juillet nous avons suivi
le programme des JMJ à Cracovie avec les participants du monde entier. Nous
étions logés dans des gymnases à Wieliczka, à une grosse heure du centre de la
ville. Les 1er et 2 août nous avons eu un temps de relecture et de conclusion
des JMJ au sanctuaire Vierzehenheiligen, en Allemagne à nouveau, avant le
retour à Paris le 3.
Quel était ton rôle exactement ?
JEAN : Je participais
aux JMJ en tant que JMJiste comme un autre. Stéphane était l'organisateur du groupe, et le père Maxime en était
l’aumônier.
BENOÎT :
Je n'avais pas de rôle
spécifique dans l'encadrement du groupe, même si j'ai pu donner un coup de main
ici ou là pour la liturgie. Ma mission consistait avant tout à partager la vie
d'une équipe et de tâcher humblement d'y être un témoin de Jésus, en vivant la
charité et en offrant la possibilité d'un dialogue à tous ceux qui le
souhaitaient. Par ailleurs, une grande richesse de notre groupe consistait à
accueillir en son sein une trentaine de jeunes handicapés (nos
"Hamis"). C'est d'ailleurs ce qui avait motivé ma demande de partir
avec lui précisément, et j'ai eu l'occasion d'assister souvent l'un d'entre
eux, Philippe, très dépendant physiquement pour l'habillage, la toilette, les
repas... J'ai donc passé beaucoup de temps avec lui pour les soins du quotidien
comme pour les temps d'équipes.
Quel est ton
souvenir personnel le plus fort ?
JEAN : Mon
souvenir personnel le plus fort est la veillée finale sur le campus
Misericordia, pour la générosité des Polonais, le surprenant esprit fraternel
dans cet énorme rassemblement de jeunes, et la beauté de l'Église catholique à
travers tous ses visages et toutes ses nationalités.
Premièrement : la
générosité des Polonais. Nous devions y aller à pied, et sur le chemin les
Polonais s'étaient installés devant leur maison pour observer cette marée
humaine et distribuer de l'eau. Certains distribuaient même de la nourriture
gratuitement. Les Polonais étaient heureux de nous accueillir, heureux de nous
voir visiter leur pays, et ils nous le montraient par une fraternelle
bienveillance.
Ensuite, sur le
campus Misericordia, le terrain où nous devions nous installer initialement
était très boueux. On s'est finalement installés ailleurs, sur notre bâche
scoute, et nous suivions les discours du pape sur notre radio. Des Vénézuéliens, des Italiens, et des Français se sont installés autour de nous.
Et tous, nous étions réunis dans un même esprit pour prier tous ensemble avec
le pape.
Un groupe d'une
vingtaine d'Indiens sont arrivés trop tard pour trouver un espace suffisamment
grand pour eux. Nous les avons invités sur notre bâche (qui pouvaient contenir
40 personnes aisément). Ils en ont été très émus. Comme c'était leurs
premières JMJ, ils ne connaissaient pas "la technique de la bâche
scoute". :) On a prié avec eux, et aussi discuté de la situation des
catholiques en Inde. Minoritaires, ils nous ont dit que les catholiques indiens
sont souvent persécutés. Malgré la grandeur de leur pays, cela leur semblait
impossible de faire un événement comme les JMJ en Inde à cause de la défiance
entre communautés. Eux aussi étaient très heureux et surpris par la dévotion et
la générosité des Polonais.
BENOÎT :
Ces temps avec Philippe
restent mon souvenir le plus fort de ces JMJ. En vérité, c'est lui qui m'a le
plus donné et j'ai été marqué par sa force d'âme, sa patience, sa profondeur.
Son humour aussi. Sans lui, mes JMJ n'auraient pas été les mêmes, et ce petit
effort qu'il me fallait faire parfois pour me mettre à son service laissait vite
place à une vraie joie comme seul peut la procurer le Christ pauvre, mendiant
un peu de notre amour pour nous combler du sien.
As-tu vu cheminer spirituellement les
jeunes que tu accompagnais ? Peux-tu raconter une anecdote en ce sens ?
JEAN : Les JMJ, c'est un moment propice
pour avancer concrètement sur son chemin de foi. Pour un jeune catho, on se
rend compte qu'on est pas tout seul. En effet, être catholique prend un nouveau
sens quand on rentre des JMJ. C'est une occasion privilégiée pour faire (ou
renouveler) sa rencontre avec Jésus à travers l'Église. A travers les
enseignements du pape et des évêques sur la Miséricorde, tous les jeunes
étaient invités à fonder leur vie sur l'Amour, à assumer cette audace de la foi
chrétienne, souvent à contre-courant des tendances de la société actuellement.
Ainsi sommes-nous invités à trouver un sens à notre vie, notamment dans les grandes décisions (études, orientations professionnelles,
discernement vocationnel, etc.).
J'ai vu tous les
jeunes du groupe cheminer. Mais qui suis-je pour parler du cheminement d'un
autre ?! Le mieux, c'est de leur demander directement ! ;)
BENOÎT :
Oui, je crois vraiment
que les jeunes ont cheminé. Pour beaucoup d'entre eux, ils n'étaient plus tout
à fait les mêmes au retour qu'au moment de partir pour ce rassemblement. Ça a
été magnifique de voir combien ont souhaité recevoir le sacrement de
réconciliation au cours des JMJ ! J'en ai vu changer d'avis à ce sujet, d'abord
apparemment hermétiques, puis hésitants, pour finalement franchir le pas et
aller trouver l'un des prêtres qui nous accompagnaient. A en juger par l'expression
de leurs visages ensuite, je pense que peu l'auront regretté ! A la fin des
JMJ, beaucoup m'ont fait part de décisions, parfois importantes, que cette
expérience les avait aidés à poser concernant leur vie spirituelle, affective,
professionnelle. Pour certains, cela aura constitué une étape importante sur un
chemin de vocation.
Les anecdotes ne manquent pas, mais j'en retiendrai surtout
une : un soir, un garçon du groupe est venu me trouver, estimant qu'il avait à
s'excuser pour certains jugements hâtifs qu'il avait posés ; nous avons eu une
longue discussion et notre relation en a été transformée durant la semaine qui
nous restait à passer ensemble. Je crois pouvoir dire que l'Esprit Saint était
présent ce soir-là, et qu'il a changé son cœur et le mien !
Y a-t-il eu des
moments difficiles ?
JEAN : Quand deux millions de jeunes se
rassemblent, c'est souvent la zizanie. "La grâce n'annule pas la nature,
mais l'ouvre en profondeur" comme dirait notre ami Thomas d'Aquin.
N'importe quel autre grand rassemblement de jeunes comporte son lot d'incidents
(il suffit de se rappeler les bagarres des supporters de foot durant la coupe
d'Europe cet été). Aux JMJ, il y a des moments difficiles notamment à cause de
la météo, et de la surcharge des bus et des trains. C'est justement à travers
ces épreuves que l'Esprit-Saint nous travaille et nous donne la force de
persévérer. Ces moments difficiles peuvent devenir de vrais incidents si l'on
prend ses frères et sœurs pour des punching-balls. Mais ces moments peuvent
aussi devenir des lieux de croissance joyeux où on apprend justement à aimer
son prochain dans la simplicité. L'unité d'un groupe est un vrai défi à tenir
aux JMJ. Un climat de confiance et de fraternité nous a donné la force de
sourire et de chanter dans les quelques moments difficiles. Oui, chanter, c'est prier
deux fois. Dans notre groupe très marqué par l'esprit scout, on a beaucoup
chanté en Pologne. :)
BENOÎT :
Des moments difficiles ?
Oui, quand la fatigue se fait sentir ou qu'il devient compliqué de trouver un
espace de silence pour entrer en soi-même et prendre le temps de confier au
Seigneur tout ce que l'on vit. Mais ces circonstances exceptionnelles sont
aussi l'occasion de faire l'apprentissage d'une autre forme de prière, dans la
louange en particulier, et de refréner le désir toujours en embuscade de tout
maîtriser et finalement d'enfermer Dieu dans nos habitudes.
Une
parole du pape t'a-t-elle marqué ?
JEAN : L'Évangile
ne se vit pas sur un divan !
Citation exacte :
"Chers jeunes, nous ne sommes pas venus au monde pour “végéter”, pour
vivre dans la facilité, pour faire de la vie un divan qui nous endorme ; au
contraire, nous sommes venus pour autre chose, pour laisser une empreinte. Il
est très triste de passer dans la vie sans laisser une empreinte. Mais quand
nous choisissons le confort, en confondant bonheur et consumérisme, alors le
prix que nous payons est très, mais très élevé : nous perdons la liberté."
Et : pour suivre Jésus,
il faut se décider à échanger le divan contre une paire de chaussures !
Citation exacte :
"Jésus est le Seigneur du risque, du toujours “au-delà”. Jésus n’est pas
le Seigneur du confort, de la sécurité et de la commodité. Pour suivre Jésus,
il faut avoir une dose de courage, il faut se décider à échanger le divan contre
une paire de chaussures qui t’aideront à marcher, sur des routes jamais rêvées
et même pas imaginées, sur des routes qui peuvent ouvrir de nouveaux horizons,
capables de propager la joie, cette joie qui naît de l’amour de Dieu, la joie
que laisse dans ton cœur chaque geste, chaque attitude de miséricorde."
BENOÎT :
Je retiendrai une parole
du pape lors de son discours au Campus Misericordiae : "Installez bien
dans vos vies la connexion la plus stable, celle d'un cœur qui voit et
transmet le bien sans se lasser." C'est une parole simple, qui utilise une
image que les jeunes de notre époque saisiront immédiatement, mais qui traduit
un appel essentiel qui peut et doit être adressé à tous sans exception, et qui
nous indique le chemin à suivre pour que notre vie porte du fruit et que chacun
de nous puisse être l'artisan d'un monde meilleur : le regard sur Dieu nous
donne de comprendre son amour pour nous et d'aimer nos frères à notre tour. Et
il faut fonder dans l'éternité la source de notre amour pour être capable
d'aimer dans le temps.
Que penses-tu des JMJ ? As-tu l'impression que ce grand rassemblement a du sens ?
JEAN : Il y a
un sens à vouloir fortifier l'unité de l'Église catholique.
C'est une manière
de manifester ce qu'on dit tous les dimanches dans le Credo : "Je crois en
l'Église, une, sainte, catholique et apostolique". Comme être
"une" (unifiée), si on ne se rassemble jamais ?
BENOÎT :
Les JMJ sont un signe
magnifique. Je reprendrai les mots du cardinal Vingt-Trois qui déclarait tout
récemment dans son entretien de rentrée à Paris Notre-Dame : "A l'heure où
l'on nous présente des groupuscules animés par une volonté d'extermination et
de mort, cette jeunesse rassemblée par centaines de milliers dans un projet de
construction et d'espérance montre qu'à travers le monde, et le monde de
demain, il y a une force d'amour qui est plus forte."
Avais-tu
participé dans le passé à d'autres JMJ ? Qu'est-ce qui a été particulier pour
toi cette fois ?
JEAN : Ma première participation aux JMJ, c'était en
2011 à Madrid. A l'époque, je vivais loin de la foi. Lors de ces JMJ, j'ai
découvert la beauté de l'Église, la joie de la louange, et le sens de
l'évangélisation. A Madrid, en 2011, j'ai reçu dans ma prière le premier appel
pour la vocation sacerdotale. J'étais parti avec l'association Anuncio qui
organise des concerts et des missions d'évangélisation de rue. Je me suis rendu
compte à ce moment-là que c'est vraiment possible de vivre la joie de l'Évangile.
Ce qu'on lit dans le Nouveau Testament, ce ne sont pas des contes de fées : ça
change la vie, ça retourne des vies. Dieu existe. Il nous aime. Il fait des
miracles, et pour garantir notre liberté, il se révèle toujours dans
l'humilité. Qu'attendons-nous pour vivre de la joie de l'Évangile ?! :)
BENOÎT :
J'avais déjà participé
aux JMJ de Madrid (2011) et de Rio (2013). Je suis donc un vétéran ! Ce qui fut
tout nouveau pour moi cette fois-ci, en plus de la découverte de la Pologne qui
est un pays que j'aime énormément, entre autres pour ses figures de sainteté,
ce fut le fait de les vivre comme séminariste, car j'ai pu prendre conscience
de ce que peut impliquer ce statut nouveau auprès des jeunes que j'ai
accompagnés. Tout à coup je me suis retrouvé dans la situation de celui à qui
l'on vient poser des questions, demander un conseil, confier telle ou telle
intention... Je me suis souvent senti bien en-deçà de toutes ces attentes, mais
j'ai alors fait ce que je pouvais, en acceptant parfois de ne pas y arriver, et
apprenant aussi par là à être un serviteur inutile qui sait qu'il doit semer et
arroser, mais que c'est toujours le Seigneur qui donne la croissance et la vie.
Sur un chemin vers le sacerdoce ministériel, ce type d'expérience me semble
donc extrêmement précieuse !
Propos recueillis par Sylvie H.
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