Lettre de Jacques G. à ceux qui l'aimaient
Et moi, je le ressusciterai au dernier jour (Jn 6, 40)
Hier soir, lors de la messe de requiem pour Jacques, notre église de
Saint-Denys était pleine. Pleine d'émotion, pleine de la présence de tous ceux
qui aimaient Jacques le discret: paroissiens, séminaristes, prêtres, tous ceux
qui, passés par Saint-Denys, ne l'avaient pas oublié. Jacques, qui en liturge
averti, avait minutieusement pensé sa messe de funérailles, avec ses textes,
ses chants, ses pièces musicales, nous a donné de vivre une très belle messe.
Les larmes ont coulé mais, comme il le souhaitait, c'est aussi avec beaucoup de
joie que nous nous sommes retrouvés les uns les autres, pour prier avec lui et
partager ensuite le pot de l'amitié en sa mémoire.
Voici un extrait de la lettre, rédigée de sa belle écriture, qu'il
avait donné à lire après l'homélie :
Vous
qui m'avez aimé, vraiment, ne pleurez pas. Vos larmes troubleraient ce que Dieu
m'avait fait et que, par vos prières, Il achèvera de faire... Oh ! je sais, je
comprends : on est désemparé quand la vie d'un être cher vous échappe :
locataire d'un corps et non propriétaire.
C'est pour cela
aussi que je peux bien vous dire, en toute connaissance et avec affection,
qu'il faut laisser celui qui part aller vers son bonheur... Aimer, c'est
vouloir l'autre heureux, même s'il est douloureux de penser qu'il peut l'être
sans que nous soyons là pour partager ce bonheur ou l'assurer nous-mêmes.
Pourtant, soyez
heureux. Je pars, heureux non pas de vous quitter mais de vous rencontrer comme
jamais ici-bas je n'avais pu le faire !... On se croise souvent, croyant se
rencontrer et l'on est déjà loin quand on veut se parler. Mais, puisque je m'en
vais, nous aurons, vous et moi, Dieu et l'éternité pour nous mieux retrouver.
Moi, je vous ai
aimés sans pouvoir vous le dire: pauvres hommes limités par nos pauvres mots
d'hommes. Par orgueil ?... par pudeur ?... Qu'importe ! : si je ne l'ai pas dit
ou pas fait ou mal fait ou mal dit... On est si maladroit dans nos amours
humaines qu'on peut faire tant de mal en voulant tant de bien.
Vous voyez, sans
pleurer, laisser-moi m'en aller. Vous avez votre peine, ayez votre espérance !
Et, dans ce coin du Ciel où Dieu me laissera, je l'espère, une place, je vous
redonnerai l'Amour dont je verrai la Face... Et je vous attendrai pour mieux
vous accueillir comme m'accueilleront tous ceux qui m'ont précédé, ceux qui ne
m'ont pas connu et ceux qui m'ont connu, tous ceux que j'ai aimés, ceux que
j'ai moins aimés, et ceux que j'aime enfin, pour toujours, dans l'Amour infini.
Mais avant de partir
je demande pardon à ceux que blessés par ma vie, mes paroles, mes silences, mes
actions ou mes manques d'action. Pardon à ceux qui m'ont aimé et que j'ai mal
aimés ! Pardon pour mes rancœurs, mes jugements souvent à l'emporte-pièce, mes
impatiences ! Pardon pour mes refus et pour tous mes oublis !
Pardon pour ces
talents, Seigneur, que Tu m'avais confiés et qui n'ont pas produit ce que Tu
espérais... Aux portes du Jardin où Tu m'attends déjà, accueille-moi, Seigneur,
et reçois ce pécheur, ce pauvre larron qui T'a oublié, négligé, renié, trahi,
et qui, malgré tout, T'a aimé parce que, Toi, Tu l'avais aimé en premier et
que, contre vents et marées, Tu le portais pour qu'il ne cesse de T'aimer.
Alors, dans
l'immensité de l'Amour que Tu m'as donné, cueille les morceaux d'amour de mon
cœur indigent pour adoucir les blessures que mes péchés ont ajoutées à Ton
Corps crucifié qui m'a déjà sauvé.
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