Le Petit Cephalophore

lundi, septembre 28, 2015

La vie consacrée

Frère Marie : être moine aujourd’hui
A l’occasion de l’Année de la vie consacrée qui s’achèvera en février 2016, Le Petit Céphalophore  a rencontré frère Marie. Le responsable de l’hôtellerie de l’abbaye Notre-Dame de Lérins (06) nous explique le sens de ce choix de vie radical.

A quel âge avez-vous pensé être moine et pourquoi ?
A 30 ans, parce que c’est la forme d’engagement qui me semblait le mieux répondre à l’appel du Christ. Électricien de formation, j’avais travaillé dans différents domaines sans être pleinement satisfait. Les expériences de retour à la nature dans des communautés alternatives m’attiraient. Je souhaitais une vie authentique en rupture avec le modèle ambiant. C’est alors que je suis parti naviguer avec des amis sur un voilier. Dans le Sud du Sénégal où nous avions fait escale, j’ai découvert un monde musulman très priant. Voir que Dieu faisait partie de la vie de ces fraternités de spiritualité soufie très ouvertes a changé la représentation négative que j’avais de la religion. Mais tout a basculé une nuit de Noël, lors d’une messe célébrée par un missionnaire dans un village de brousse. J’ai communié, alors que j’avais été baptisé chez les protestants. Le Christ m’attendait là.

Quel a été votre parcours ensuite ?
Nous sommes rentrés à Saint-Malo où j’ai passé plus d’un mois chez les Sœurs dominicaines. C’est là que j’ai fait mon entrée officielle dans l’Église catholique en 1986. Un père dominicain m’a aidé à discerner mon appel : j’avais besoin d’une vie structurée. Comme il donnait des sessions de théologie à Lérins, il m’a fait connaître cette abbaye. Je me suis dit : « Là, tu pourras te donner au Christ à fond ». J’ai fait mon entrée en novembre 1987. Au sein de la communauté, je suis responsable des vignobles depuis 1991 et de l’hôtellerie depuis février dernier mais j’ai exercé de nombreuses fonctions. J’oubliais de dire que j’ai été ordonné prêtre en 2007.

Quel sens donnez-vous à cette vocation particulière ?
Par la louange, nous faisons se rejoindre l’Église terrestre et céleste. Le monachisme a une vocation angélique : il manifeste sur terre le face à face que l’homme connaîtra avec Dieu. Mais notre prière porte aussi toutes les difficultés de l’homme sur son chemin, comme les psaumes l’expriment. Les premiers moines de Lérins, au Vème siècle, parlaient du désert, cette vie retirée sur l’île, comme d’un nouveau paradis, le lieu où l’on rencontre ce nouvel Adam qu’est le Christ. Rien n’a changé depuis. Cela explique pourquoi notre abbaye est un lieu de ressourcement pour de nombreux retraitants. Ils nous disent ressentir qu’ici Dieu est vraiment présent.

On rejoint l’abbaye Notre-Dame de Lérins, située sur l’île de Saint-Honorat,  en bateau, à partir de Cannes. On peut y faire une retraite en logeant à l’hôtellerie des moines. Certains paroissiens de Saint-Denys sont des habitués de ce lieu merveilleux. Site : www.abbayedelerins.com
Propos recueillis par Sylvie H.


Sœur Anne-Thérèse
Membre de la Congrégation Notre-Dame de Sion (86 ans), elle témoigne : "Je suis entrée au noviciat à l'âge de 30 ans ce qui était alors considéré une vocation tardive. La certitude de mon appel m'est venue au terme d'une évolution continue, paisible. Jeune enfant, j'avais été au pensionnat chez les sœurs de Notre-Dame de Sion où j'ai connu plusieurs religieuses à la vie rayonnante. Cela est sans doute intervenu plus tard dans mon choix de congrégation. Un autre exemple avait été ma mère, veuve, qui élevait seule ses trois enfants, expliquant en toute simplicité: "Mais il y a la Grâce..." En relisant ma vie je me rends compte que j'avais toujours fait des choix qui m'acheminaient vers ce choix ultime - ce qui était "du monde" avait peu d'attrait pour moi. J'avais compris que tout était appelé à renaître de l'intérieur, de l'Esprit. Et s'il y avait quand même en moi le désir d'être maman, lors d'un baptême d'enfant un jour, j'avais ressenti la certitude que je ne le serai jamais." Sœur Anne-Thérèse est archiviste de sa congrégation. "Pendant mon année de formation après mes premiers vœux, la maîtresse du Juvenat m'a fait déjà travailler sur l'histoire..." Sœur Anne-Thérèse aime remettre les choses dans leur contexte historique pour mieux les éclairer. "Le Concile Vatican II nous a demandé de revenir "aux sources": la Bible nous révèle l'Incarnation également à travers l'histoire sainte. Dans nos rapports avec le peuple juif à notre époque nous transmettons, échangeons, et il est crucial de bien connaître le Premier Testament." Le grand pilier de l'engagement religieux reste une vie intense de prière. "Après le 19ème siècle, le laïcat a été mis en avant dans l'évolution de la société, les ordres contemplatifs recrutent peu de nos jours. La vie de prière est difficile même au sein d'une congrégation comme la nôtre: les travaux d'entretien, les tensions, le surmenage doivent être gérés au quotidien." Cela dit, Sœur Anne-Thérèse trouve encore le temps pour aider à assurer l'accueil de notre paroisse un jour par semaine - occasion aussi de retourner dans le quartier où elle avait logé avec le petit groupe de ses consœurs pendant plusieurs années...
Propos recueillis par Katarina K.



Bernard, Père Blanc missionnaire en Algérie
Le père Bernard Lefebvre a été missionnaire en Algérie pendant près de 40 ans ; mais contrairement à ce qu'on pourrait penser, "la mission, c'est aller recevoir un message, se porter vers l'autre. En arrivant dans un pays, on découvre le Christ présent au milieu des gens. L'Algérie a connu des années difficiles, mais on y découvre des gens extraordinaires, qui nous apprennent que la vie continue, de manière magnifique. J'ai été en petites communautés isolées au milieu du Sahara, puis j'ai été nommé à la grande basilique de Notre-Dame d'Afrique, mais ce qu'il y avait de commun dans les deux, c'était l'accueil. Il ne suffit pas d'avoir des « horaires d'ouverture de l'église » ; là-bas, on accueille vraiment les gens, on est toujours contents de les voir, à toute heure. La très grande majorité des gens au milieu de qui je vivais étaient musulmans. À la Basilique, les gens aimaient venir s'asseoir en silence, ou nous parler de leurs soucis, de leurs attentes, de leur joie d'être là. Les beaux témoignages que nous avons recueillis, nous n'y étions pour rien. Tout ce qu'on faisait, c'était ouvrir la porte : tout le monde pouvait venir. À travers la Vierge Marie, que les musulmans vénèrent aussi, et à laquelle ils sont très attachés, on trouvait un vrai point de rencontre.
Vous voulez savoir combien de personnes j'ai converties, en 40 ans ? Eh bien, je ne suis pas sûr – il faudrait que je lui redemande – mais je pense pouvoir dire : une seule, et c'est moi-même. On ne va pas là-bas pour apporter une brochure sur le Christ. On est simplement là pour contribuer à la vie du pays, par l'éducation, la technique, ou l'étude – en étant soi-même, intérieurement, animés de l'amour du Christ. Il y a une personne qui a très bien su parler de la façon dont les missionnaires s'enrichissent de leurs moments avec les Algériens : c'est Mgr Pierre Claverie, qui est décédé dans un attentat, mais a laissé des écrits magnifiques pour parler de son amour de l'Algérie et de l’Église d'Algérie. Sur la durée, nous sommes convertis par ceux auxquels nous sommes envoyés – non que je sois devenu musulman ! Mais des moments de communion se créent, des moments de vrai partage, qui n'ont pas besoin d'être des partages intellectuels – mais des partages de vie, de service, de compréhension, même quand on n'est pas d'accord.
À une époque, les choses étaient difficiles. En 1995, les attaques contre les communautés chrétiennes se multipliaient, et notre communauté a été attaquée. Il n'est pas facile de pardonner, de ne pas mettre tout le monde sur le même plan. Mais on en sort plus simple : on comprend d'autant mieux qu'il ne faut pas chercher à juger les gens, il faut prendre les choses comme elles viennent et simplement approfondir ses relations. Et puis après cette période troublée, il y a eu des moments magnifiques : la restauration de Notre-Dame d'Afrique avec le soutien de la population et des autorités, et le centenaire de l'orgue de la Basilique, inauguré en 1911 par Camille Saint-Saëns. Il y a une continuité, on poursuit sur l'héritage que nos prédécesseurs ont laissé ; leur présence de longue date a créé un lien très fort avec la population, qu'il faut poursuivre. Nous avons besoin de nouveaux missionnaires, qui sachent se porter vers l'autre, pour ne pas tomber dans la pensée unique, enfermés chez nous. Tout est encore à découvrir !"
Propos recueillis par Laetitia C.
A voir : Pierre et Mohamed, Algérie, 1er août 1996, film de Laurence Chartier d'après les écrits de Mgr Pierre Claverie.



Agnès B., de la communauté de Saint-François-Xavier et directrice de l'école Charles Péguy

« Applique-toi à marcher humblement avec ton Dieu » (Mi 6,8*)
C’est par cette citation, importante pour elle, qu’Agnès a conclu notre entretien… Mais, au fond, cette parole de Michée a irrigué notre conversation :
La communauté d’Agnès est une communauté apostolique déjà centenaire fondée par Madame Daniélou. Son objectif est de consacrer sa vie au service à travers la mission d’éducation et de formation des jeunes. La fondatrice avait fait l’expérience de la difficulté de garder la foi dans un contexte intellectuel hostile à Dieu. C’est pourquoi elle ouvrit plusieurs établissements.
Au début, Agnès était une institutrice ayant à cœur de faire grandir les élèves. Puis, à l’occasion d’une messe, elle a senti que sa place était de consacrer sa vie au sein de la communauté. Depuis, 9 ans se sont écoulés et Agnès a prononcé son vœu perpétuel.
Charles Péguy étant sur deux paroisses (école primaire sur le territoire de Saint-Denys et collège et lycée sur celui de Saint-Ambroise), Agnès et sa communauté sont actives sur l’une comme sur l’autre : c’est au lycée qu’habite leur communauté de 7 (et bientôt 8) religieuses. C’est là que commence sa journée par une prière ensemble et en silence de 45 minutes. C’est aussi là qu’elle se termine avec les retrouvailles  fraternelles en communauté avec la messe, le dîner et un nouveau temps de prière.
Entre les deux, il y a le quotidien joyeux de l’école, rue Amelot (cf photo)… celui qui permet le service des frères par l’enseignement, celui aussi qui permet de gagner sa vie, avec un salaire versé par l’éducation nationale et remis à la communauté ("car nous mettons en commun nos biens") pour les sœurs plus âgées, les missions de la congrégation en Afrique et des missions nouvelles.
Une vie consacrée vécue dans la joie…  « Viens, et tu verras !  »

Propos recueillis par Stéphane L.

(*)« On t’a fait savoir, ô homme, ce qui est bien, ce que Yahvé réclame de toi, rien d’autre qu’accomplir la justice, d’aimer la bonté et de t’appliquer à marcher humblement avec ton Dieu. »


 

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